Allez, au dodo !

Carte blanche à Ludwig - Allez, au dodo !

A l’internat.
- « C’est l’heure d’aller en chambre, les jeunes »
- « Nan c’est pas l’heure, de toute façon on va se coucher quand on veut ! »
- « Et bien, en fait, non, il y a des règles et là c’est le moment de se poser tranquillement, on peut se lire une histoire, discuter au calme… »
- « Nan on ira pas, ce soir on fait la fête et de toute façon tu n’es qu’un gros enc.., va mourir ! »

Au-delà des oppositions et du refus du cadre chez des jeunes carencés, que se passe-t-il chaque soir, au moment du coucher sur le groupe ??

Le coucher suscite très souvent un espace-temps particulier parmi les moments clés du quotidien éducatif en institution sociale et médico-sociale. Il est un temps singulier dans le quotidien d'une relation d'aide et d’accompagnement. Moment suscitant souvent résistance, il peut révéler opposition, angoisses archaïques, refus. Comprendre ce qui se joue dans ce moment est essentiel dans la compréhension des pratiques éducatives.

En toute logique, le coucher est le moment où la personne se met au lit pour dormir, ce qui apparait évident. Mais il faut savoir que si dormir et se reposer représentent notamment un besoin fondamental pour l'équilibre physique et psychologique permettant de gérer sa fatigue et son potentiel d'énergie, différentes autres dimensions sont à l'œuvre.

Du point de vue affectif, psychologique et social, le coucher est un temps de passage de l’activité et de l'excitation de la journée à l'endormissement. C’est ce qui doit amener la personne à lâcher prise, à se défaire de ses émotions de la journée pour s'engager dans un état non contrôlable, guidé par l'inconscient. Pas facile d’entrer dans ce temps de séparation qui confronte à la solitude de la nuit. Les angoisses de mort, les peurs archaïques ou des sentiments d'insécurité peuvent être très forts. C'est une transition qui peut être angoissante et faire resurgir des événements traumatiques passés. C’est pourquoi le partage avec l'accompagnant, dans cet espace privilégié, permet à la personne de se sentir soutenue, sécurisée. C'est un temps intime hors espace collectif qui permet des échanges privilégiés favorisant ainsi l'expression du vécu de la journée.

C’est par ailleurs un temps à dimensions éducative, sociale, voire culturelle. Puisque l'apprentissage et le respect des règles de la vie collective, du silence et des horaires de chacun est important pour l'intégration de la personne dans le collectif. Les habitudes, les traditions voire les rituels ont une importance et permettent à la personne d'exercer ses choix de vie.

Enfin, le rôle et l'attitude de l'accompagnant dans ce moment particulier consistent bien à aider la verbalisation des angoisses et à être à l'écoute des attentes de la personne. De poser un cadre, mais aussi de rassurer, de sécuriser par des mots ou par une simple présence.

In fine, à travers l'observation de ce qui se joue dans les moments clés tels que le coucher, ce temps qui est tout sauf anodin impacte la relation d'aide et d'accompagnement du travailleur social. Prendre en compte toutes ces différentes dimensions doit favoriser un accompagnement décent, digne, respectueux de la personne et approprié aux différentes temporalités tant institutionnelles que propres à la personne accompagnée dans le but d'un accompagnement de qualité.

Et maintenant, bonne nuit !