Ministère de la Justice

Face au tout répressif, l’éducatif n’a pas dit son dernier mot

Retour sur la réparation pénale qui a fait l’objet d’une journée d’étude proposée par le Ministère de la Justice.

Face à la délinquance des mineurs, l’alternative n’est pas entre excuser (au nom d’une société basée sur l’injustice) ou réprimer (au nom de la tolérance zéro). Il y a de la place pour une réponse citoyenne qui rappelle la loi tout en faisant la place à l’éducabilité de l’individu. Dans notre dossier du 31 mai 2001, nous évoquions la médiation pénale comme une réponse possible aux actes d’incivilité et autres infractions qui, pour l’essentiel sont classés sans suite. Une telle mesure s’adresse tant aux primo-délinquants engagés dans des délits de faible importance, qu’aux victimes ayant parfois un profond sentiment d’injustice, l’impunité étant déstructurante pour les premiers et source de sentiment d’insécurité pour les seconds. Le ministère de la Justice organisait à Evry,  le jeudi 7 juin, une journée d’information et de promotion de la mesure de réparation pénale destinée aux mineurs. Introduite dans la loi en 1993, cette réponse est restée les premières années, pour l’essentiel confidentielle. Elle a concerné d’abord 2.000 mineurs pour plafonner à 7.500 en 1999. Au cours de l’année 2000, près de 12.000 mesures ont été prises, confirmant tout l’intérêt qu’une telle mesure représente pour les professionnels. Chacun y trouve son compte : le parquet y voit un bon moyen d’éviter la récidive, le juge des enfants y voit une transition tout à fait adaptée entre mesure éducative et mesure répressive qui, en outre, responsabilise le jeune. Quant à l’éducateur, c’est pour lui un outil flexible qui peut s’adapter à chaque situation et personnalité. C’est pour donner encore plus d’ampleur à ce « décollage » que Maryse Lebranchu a demandé aux procureurs et aux préfets de procéder régulièrement à un point avec la presse sur ce qui a été réalisé en la matière. « On a tous les textes qu’il faut pour réprimer quand c’est nécessaire. Rares sont les pays d’Europe qui ont une législation aussi sévère que la notre » affirmera la ministre de la Justice, s’inscrivant d’emblée contre la tendance répressive qui trouve un certain écho dans notre pays. « La mesure de réparation constitue une réponse efficace à ce qui est le plus difficile à vivre, continuera-t-elle : le sentiment d’impunité quand rien ne se passe après que des actes de délinquance aient été commis.» Bien sûr, la réparation pénale n’est qu’un outil parmi tant d’autres. Il n’a pas la prétention de répondre à toutes les situations. Il n’est pas question de figer cette mesure, mais de l’intégrer à la diversité et à la multiplicité des solutions possibles. Les acteurs qui la mettent en oeuvre l’ont bien compris, eux qui agissent avec créativité, imagination et dynamisme. Ainsi, à Villepinte, ces stages organisés pendant les vacances scolaires qui accueillent des groupes de 8 adolescents. Durant dix demi-journées, les jeunes sont reçus par différents partenaires avec qui ils établissent un dialogue et dont ils apprennent à mieux connaître la fonction. Ils vont ainsi rencontrer un policier, un médecin Jeunesse & Sport, un contrôleur et un conducteur de bus, un gardien d’HLM, un pompier, la directrice, un surveillant et une éducatrice du quartier des mineurs de la maison d’arrêt, sans oublier le maire de la ville. A Mulhouse, c’est sur trois jours qu’ont lieu ces stages dits « d’éducation à la citoyenneté » qui donneront l’occasion aux adolescents d’être accueillis, sous les ors du palais de la République, par le sous-préfet en personne. Ailleurs, les jeunes sont sollicités pour réparer directement, comme en Mayenne où, en réponse aux dégradations qu’il avaient commise au détriment d’agriculteurs, ils ont aidé ces derniers à réparer les dégâts de la tempête : débardage, ramassage des tuiles et des ardoises. Les réparations indirectes sont aussi utilisées comme cette formation apportée à un emploi jeune par un adolescent particulièrement doué en informatique, qui avait été pris à voler des cds. Ou encore, cet autre jeune qui avait commis des dégradations dans un établissement scolaire et qui fabriquera des jouets en bois qui seront ensuite attribués au service pédiatrie d’un hôpital. A Caen, un jeune auteur de vol de deux roues sera accompagné par un éducateur pour refaire toutes les démarches qu’avait dû accomplir sa victime : rapporter la mobylette abandonnée jusqu’au garage le plus proche, faire établir un devis des réparations, se rendre au commissariat pour porter plainte et à la compagnie d’assurance.

La réparation pénale est gourmande en moyens. Elle demande un énorme travail de mise en oeuvre. Mais, elle a l’immense avantage de prendre en compte les situations individuelles tant de l’auteur que de la victime, de combiner sanction et démarche pédagogique, d’orienter le jeune vers l’avenir en l’ouvrant au monde et en l’engageant dans une logique de restauration du lien social (au lieu de le figer sur le passé ou sur l’acte commis).  A ce titre, elle mérite d’être mieux connue et médiatisée, ne serait-ce que pour démontrer que la répression pure n’est pas l’unique solution qui subsiste.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°582 ■ 29/06/2001