Est-ce grave, docteur ?

Le travail social a toujours été traversé par des préceptes sensés résumer son essence … du moment. Le dernier slogan à la mode s’inspire d’une phrase attribuée tantôt à Mandela, tantôt à Gandhi : « tout ce que vous faites pour moi sans moi, vous le faites contre moi. » S’il s’agit de prendre en compte la personne que l’on accompagne dans une dynamique de co-appropriation de sa problématique, le sens de cet aphorisme est plutôt pertinent. Pourtant, il est de multiples circonstances où il s’avère contre-productif. La petite grand-mère qui vient faire remplir, comme chaque année, sa déclaration d’impôts à laquelle elle prétend ne rien comprendre. La famille qui n’a toujours pas finalisé sa demande de bourses, à la veille de la date butoir. Le jeune adulte accédant à son premier logement qui tarde à remplir son dossier d’APL. L’allocataire qui traine à faire valoir ses droits au RSA. Le retraité qui n’a pas encore liquidé sa pension... Tout travailleur social les a rencontrés, ces usagers. Bien sûr, on les encourage, effectivement on les incite, assurément on les accompagne dans leurs démarches. Mais il arrive aussi qu’on fasse à leur place. Parce qu’ils sont réfractaires à tout acte administratif. Parce qu’ils sont définitivement fâchés avec internet. Parce que tout simplement, ça les gave. Ou bien, ils vérifient notre degré d’investissement à leur égard. Ils ne veulent pas que cette autonomie que nous attendons d’eux se traduise par notre abandon. Ou tout simplement, ils délèguent à ceux qui savent faire. Comme tout un chacun qui s’adresse à un professionnel de l’informatique, de la mécanique automobile ou de l’électroménager, quand il a un souci. Le technicien va-t-il lui répondre : « je ne peux réparer, car en faisant sans vous, je ferai contre vous » ? A refuser toute contextualisation dans l’application de certains principes, leur prescription devient tyrannique, leur source de bonne pratique devient réductrice et leur application, dogmatique.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1328 ■ 29/11/2023

« Bienvenue sur le site de Jacques Trémintin, travailleur social qui n’a cessé d’écrire. Référent à l’aide sociale à l’enfance de 1992 à 2020, partie prenante de Lien Social de 1995 à 2023, contributeur au Journal du droit des jeunes de 1995 à 2017, pigiste dans le Journal de l’animation depuis 1999… l’accompagnement des enfants et familles, le maniement de la plume ou du clavier, l’animation de colloques ou de formations répondent au même plaisir de transmettre. Ce que fait aussi ce site, dont le contenu est à libre disposition à une seule condition : savoir garder son esprit critique et ne rien considérer d'emblée comme vrai ! »

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