La sécurité sociale. Une institution de la démocratie

BEC Colette, Ed. Gallimard, 2014, 328 p.

La sécurité sociale, telle que nous la connaissons aujourd’hui, est née d’une ambition originelle (assurer une protection à partir non d’une appartenance catégorielle, mais citoyenne) et d’un projet de société (fondé, non sur la seule responsabilité individuelle, mais sur la solidarité). Mais, elle est surtout le produit du constat d’échec du libéralisme triomphant, tout au long du 19ème siècle, dont l’échec a été patent dans sa prétention à laisser les rapports sociaux se réguler spontanément et produire par eux-mêmes la justice sociale. La doxa d’une propriété privée comme source de la liberté individuelle et l’abstention de l’Etat comme moyen de cette liberté ayant amplement démontré sa dimension illusoire, il fallait répondre aux profondes inégalités ainsi entretenues et établir la sécurité à laquelle a droit tout citoyen face aux aléas de la vie en société. Trois lois d’assistance sont votées, par la troisième République, entre 1893 et 1905 : assistance médicale gratuite, service des enfants assistés et assistance aux vieillards. Puis, entre 1910 et 1932, trois autres s’attaquent aux circonstances de l’existence menaçant le salarié : retraite ouvrières et paysannes, assurances sociales et allocations familiales. Mais, il faudra attendre la libération pour que le principe de la cotisation obligatoire, remis en cause avant-guerre, s’impose aux salariés et aux employeurs, rendant ainsi possible une protection véritable. Si le pouvoir tutélaire du patron se trouve contrecarré par l’Etat social naissant, il en va de même pour l’individu qui se trouve ainsi dépossédé, pour son bien, de la faculté e toujours savoir ce qui est bien pour lui. Un nouveau triptyque émerge, articulant le citoyen, la société et la puissance publique chargée d’une triple mission : faire prévaloir l’intérêt collectif sur l’intérêt privé, garantir la sécurité de l’individu et de sa famille et redistribuer les revenus. Le bilan du nouveau dispositif s’avère rapidement spectaculaire : redressement de la natalité, relèvement et réorganisation du système de santé et répartition infiniment plus juste des ressources. Pourtant, les forces néo-libérales n’ont pas renoncé et les critiques, un temps inaudibles, refont surface à l’occasion de la crise : la restriction faite à la liberté de choix de chacun le rendrait aveugle à son propre intérêt. La revendication de responsabilisation individuelle revient en force, avec son corollaire, la logique assurantielle. Le principe des retraites par capitalisation prétend remplacer celui par redistribution. La place de la prévoyance complémentaire dévolue aux assurances personnelles s’accroît. Le rôle politique de l’Etat est remplacé par une fonction, avant tout, gestionnaire. La sécurité sociale est à la croisée de chemins : est-elle un droit de l’homme contre l’insécurité sociale ou une charge freinant la croissance économique ?

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1164 ■ 28/05/2015

 

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« Aujourd’hui à la retraite, Jacques Trémintin a accepté ce défi et il sait de quoi il parle, cette institution, il lui a consacré près de trente ans de sa carrière professionnelle. Il en connaît les arcanes, les moindres recoins. Il en connaît les hommes et les organisations, il a soutenu ses ambitions, s’est heurté à ses contradictions. Il a côtoyé tant d’enfants que ces enfants font désormais partie de lui. Il le dit lui-même, il s’est trompé parfois, il a essayé souvent, mais jamais il n’a triché. » (Extrait de la préface de Xavier Bouchereau, ancien éducateur spécialisé en AEMO, chef de service éducatif)

 « 100 idées reçues sur l’aide sociale à l’enfance » Jacques Trémintin, Éd. EHESP, 2024, 313 p.

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