Participants au voyage - Belgique

Quelques impressions sur le vif

Participer à un voyage d’étude aux cotés d’un journaliste présente un risque : celui de se faire interviewer à la fin du séjour sur ses impressions : ce qui a séduit et ce qui a déçu. Merci aux participantes et au participant qui ont accepté de se livrer à cet exercice !

« Ce qui m’a particulièrement intéressé dans le dispositif belge, c’est la décentralisation qui permet de réajuster les dispositifs, en tenant compte des réalités de terrain. Par contre, ce qui me gène, c’est le manque flagrant de places quand il y a nécessité de retirer un enfant en urgence. Je suis très sensible de par ma fonction actuelle, à cette réactivité qui semble déficiente chez nos amis belges » (Gérard Lellouch Service d’accueil d’urgence et d’orientation de l’ADSEA 93)

« Ce qui m’a le plus impressionnée, c’est la capacité des belges a développer le partenariat et à s’appuyer sur les ressources des familles. Ce que j’ai trouvé plus problématique, c’est qu’ils semblent se centrer uniquement sur la recherche d’un accord à tout prix avec les familles. A vouloir trop responsabiliser les parents, cela ne risque-t-il pas d’aboutir à la déresponsabilisation des professionnels ? Je m’interroge sur la déjudiciarisation et la désinstitutionnalisation. Y a-t-il là une démarche vraiment philanthropique ou n’est-ce pas plutôt une adaptation à la pénurie de moyens qui semble flagrante ? » Marie-Thérèse  Leman (Conseil Général du Loiret)

 « J’ai l’impression qu’il y a en Belgique une reconnaissance du rôle de chacun. Chaque service se spécialise dans un domaine précis et l’investit à fond. Cela me renvoie à notre mode de fonctionnement en France qui est très généraliste : on fait toutes et tous un peu de tout, sans jamais approfondir vraiment. De ce point de vue, les belges ont dix à quinze ans d’avance sur nous. Ce que j’ai trouve plus flou c’est un dispositif particulièrement complexe. Et puis il y a cette aide négociée qui s’applique aux procédures de signalement des situations de maltraitance qui est à l’opposé de ce que nous faisons en France. Avec notre regard de français, cela apparaît excessif » Nathalie Verger  (AEMO Nice)

« Ce qu’il y a sans doute de plus intéressant en Belgique, c’est l’enseignement spécialisé et l’aide aux handicapés qui est suffisamment développés, au point d’accueillir des enfants et des adultes en provenance de France, pays où l’on voit des appels à la générosité publique pour équiper les hôpitaux en fauteuils roulants, ce qui est, je trouve, tout à fait choquant et démontre un manque de moyens par rapport à cette catégorie de la population. » Annick Bartholomé (Belgique)

« En Belgique, on ne ressent pas comme en France, les enjeux des tensions et des rivalités entre professionnels, car chacun d’entre eux a une place dans le dispositif et est reconnu dans son champ de compétence. Il y a une synergie entre les institutions et les services qui permet de se préoccuper avant tout de la personne. A la différence de ce qui se passe chez nous, où ce qui prime ce n’est pas la mutualisation des savoir-faire, mais trop souvent la mise en concurrence des différents intervenants. Nous aurions aussi beaucoup d’avantages à nous inspirer de la façon dont la Belgique s’est décentralisée. J’ai été très intéressée par la façon dont ils gèrent les situations de maltraitance tant par rapport à la victime que par rapport à l’auteur. Bien sûr il y a des dimensions qu’on ne peut reprendre dans notre pays, car ce n’est pas notre culture, comme par exemple dans le droit de la personne qui semble pouvoir aller très loin dans la transgression, sans avoir toujours à rendre compte. » Marie—Claire Guyomarc’h (SEMO ADSEA 38)

« Les belges sont bien plus avancés que nous ne le sommes dans la prise en charge des adolescents délinquants sexuels, puisque dans notre pays aucun dispositif n’est proposé à leur intention. On tourne en rond en n’arrivant pas à distinguer entre sa place à la fois d’auteur et de victime. Je préfère la démarche belge et québécoise qui consiste à le placer comme auteur dans un centre fermé et à commencer une thérapie pour traiter la victime qui est en lui. Mais ce qui ne m’a pas plu, c’est qu’à aucun moment, je n’ai vu émerger dans le discours éducatif l’intérêt de l’enfant qui semble disparaître derrière la négociation avec la famille. Je n’ai pas vu de principes qui sous-tendent une organisation mais plutôt une organisation qui prime. Autre aspect choquant, une justice au petit pied qui a perdu ses prérogatives. Enfin l’éclatement du dispositif entre plusieurs institutions ne m’est pas apparu comme porteur de cohérence. » (Maryline L’Helias Conseil général du Val de Marne)

 « J’ai trouvé qu’il y avait beaucoup de choses à prendre dans le dispositif belge, comme les équipes spécialisées Sos-enfance maltraitée. J’ai été surprise par la procédure signalement : un professionnel qui a connaissance d’une maltraitance n’est pas tenu de signaler aussitôt. C’est très différent de ce qui se passe en France. Peut-être, que cela permet de ne pas se précipiter et de provoquer moins de dégâts » Aurélie Ott (A.U.V.M. – 94)

 

Propos recueillis par Jacques Trémintin

Non paru  ■ 2005