Dubasque Didier - ANAS

Vers un renouveau de l’ANAS ?

Didier Dubasque est assistant de service social et président de l’ANAS

L’ANAS a connu récemment une grave crise. Où en est votre association ?

Didier Dubasque : nous avons effectivement  rencontré des difficultés, et ce, à deux niveaux. Le premier était identitaire : fallait-il rester centrés sur le métier d’assistant de service social ou nous ouvrir à l’ensemble des travailleurs sociaux ? Nous avons adressé un millier de questionnaires à nos adhérents. Les 400 premières réponses ont été dépouillées. Elles ont servi de base aux orientations qui ont été validées lors de notre dernière assemblée générale : nous avons décidé de garder notre spécificité, tout en collaborant avec les autres organisations professionnelles du secteur social. La deuxième difficulté à laquelle nous avons du faire face est d’ordre financier : la baisse du nombre d’adhérents, la diminution des ressources tirées de nos journées d’étude et de nos congrès, des charges salariales importantes ont provoqué un sérieux déficit. Les mesures prises ont permis d’assainir les comptes et de les équilibrer. Comme beaucoup d’associations ou de syndicats, il y a un décalage entre la demande du public intéressé par notre démarche et son refus de s’engager. Néanmoins, nous misons sur un renouveau militant. Après tout, avec 36.000 assistants de service social et 2.000 diplômés supplémentaires, chaque année, cela justifie pleinement l’existence d’une association qui réfléchisse sur l’action, la méthodologie, la place dans la société de notre profession. Déjà, de  nouvelles sections sont en cours de création (notamment à Marseille et à Bordeaux).

 

Justement, pouvez-vous préciser à quoi peut encore servir l’ANAS ?

Didier Dubasque : Nous ne nous posons pas la question à quoi elle peut servir, parce que nous n’arrêtons pas d’être sollicités. C’est par dizaines que nous recevons chaque mois fax et lettres nous posant des problèmes de toute sorte, comme encore dernièrement cette collègue nous interpellant sur une famille lui annonçant qu’elle ne la recevrait qu’en présence de son avocat ou cette autre assistante sociale convoquée au commissariat de police pour répondre d’une plainte déposée contre elle par un usager lui reprochant de ne pas avoir tout mis en œuvre pour lui faire bénéficier des prestations auxquelles il estime avoir droit. Mais les demandes ne viennent pas que des professionnels. La Direction Générale de l’Action Sociale nous a demandé, début octobre, un avis technique concernant le projet de loi pour la sécurité intérieure prévoyant la possibilité de lever le secret professionnel dans le cas où une assistante sociale serait convaincue de la dangerosité d’une personne la consultant. Nous participons aussi au groupe de travail mis en place par le ministère sur le référentiel métier (nous y défendons la notion de déontologie qui, dans le texte initial, n'a pas été retenu et pour lequel il est préféré un vague et bien flou « cadre éthique » qui ne peut suffire en l'état ). Nous serons de même présents dans le groupe travaillant sur de la réforme des études, et notamment sur l’application, au métier d’assistant de service social, de la validation des acquis de l’expérience (bien que favorables à cette démarche, nous exprimons des réserves sur les conditions de sa mise en œuvre. Il ne s'agit pas de voir la formation initiale être remplacée à terme par une simple reconnaissance des expériences acquises : l'enjeu est d'importance et essentiel pour l'avenir de notre profession). Nos interventions sont donc multiformes : ce sont elles qui nous permettent de mesurer notre utilité.

 

Vos journées d’étude de janvier 2003 portent sur le grand chambardement du travail social. Quel est pour vous le profil du professionnel du XXIème siècle ?

Didier Dubasque : En ce qui me concerne, je ne crois pas à l’émergence d’un travailleur social unique. Pour construire une maison, on a besoin de multiples professionnels issus de formations différentes même s'ils doivent tous se retrouver autour d’une tâche commune. Pour notre secteur, il en va de même : les méthodologies sont tellement diversifiées, les champs d’intervention tellement variés, qu’il faut des intervenants aux spécialisations différentes, même si, là aussi, ils peuvent se retrouver autour d’un référentiel commun. On a beaucoup parlé depuis quelques années de la crise du travail social. Un certain nombre de facteurs a contribué à inquiéter les professionnels : perte de sens, mutations venant bousculer les représentations traditionnelles, épuisement, pyramide des âges provoquant des vagues de départ en retraite etc ... Il faut arrêter de dire que tout va mal. Tous les indicateurs disponibles présentent nos métiers comme porteur d’avenir. Nous possédons des compétences, une expertise, des savoirs. Mais nous ne savons ni les mettre en valeur, ni les communiquer. L’obligation de réserve, tout comme le secret professionnel, nous ont habitués à ne pas prendre position publiquement. Or, nous avons des choses à dire. Nous sommes à une place d’observation irremplaçable. Nous ne devons pas nous laisser enfermer dans le rôle du simple exécutant, ni nous laisser instrumentaliser. Il va nous falloir changer nos habitudes et ne plus hésiter à prendre la parole. C’est pourquoi, nous sommes partie prenante de la « conférence permanente des organisations représentatives des acteurs professionnels du social » qui essaie de dégager un point de vue commun des professionnels qui sont trop souvent absent du débat public sur les grands sujets de société.

 

Dernière question : une rumeur a couru, concernant une offre promotionnelle que vous souhaitiez lancer : pour chaque nouvelle adhésion, une caisse de bière bretonne envoyée...

Didier Dubasque : je vous arrête tout de suite et m’inscris en faux contre une telle contre vérité qui après enquête, semble provenir d’un certain Jean-Luc M. au demeurant très jaloux de la qualité de notre production locale et qui s’est juré sa perte.

 

 

Propos recueillis par Jacques Trémintin

Octobre 2002