Galan Olivier - Musique en prison
Coordonner nos efforts pour désenclaver la culture en prison
Entretien avec Olivier Galan Directeur de la salle File7 située à Magny-Le-Hongre, Vice-Président de la FédurokComment tout cela a-t-il commencé ?
J’avais déjà une connaissance de la prison, pour être intervenu plusieurs années en détention en tant bénévole, puis comme Président du GENEPI (Groupement étudiant national d'enseignement aux personnes incarcérées). Pendant mes études, j’ai aussi consacré ma maîtrise d’histoire aux personnels de l’administration pénitentiaire de la sortie de la guerre jusqu’à 1957. C’est là donc un milieu que je connaissais déjà. Lorsque j’ai pris la direction de File 7, j’ai souhaité engager un partenariat avec la nouvelle prison voisine de Meaux qui a été inaugurée en 2005. On y a mené une action culturelle avec des concerts, mais aussi des ateliers d’écriture. Cette expérience m’a donné envie de proposer en tant que vice-président de la Fédurok, un projet un peu plus large. J’ai lancé l’idée au Conseil d’Administration de notre fédération, en février 2007, d’organiser de façon un peu symbolique la fête de la musique dans les prisons. Parmi les équipements qui se disaient intéressés, certains étaient déjà engagés dans des actions en milieu carcéral, d’autres voulaient bien le faire, mais ne savaient pas comment s’y prendre. Pour que cela marche, il fallait donc proposer un accompagnement à nos 75 adhérents. Les salles de musiques actuelles constituent un milieu très particulier qui obéit à des codes. Il faut posséder les clés de compréhension pour savoir s’y déplacer. C’est Jean-Baptiste Jobard, chargé à ce moment-là de l’action culturelle à File7, qui s’est investi à fond dans ce projet. Il a joué un rôle essentiel, en rédigeant des fiches techniques que nous mettions à disposition de tous ceux qui voulaient se lancer, assurant même une permanence téléphonique de type hotline. Nous leur apportions les coordonnées des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) et répondions aux questions pratiques qu’on nous posait. Résultats : dès la première année, 11 structures ont participé. Deux ans plus tard, en 2009, elles sont 27 à l’avoir fait. Pour 2010, nous dépassons les 30 projets.
Quel accueil avez-vous reçu de la part du ministère de la justice ?
Nous avons pu nous rencontrer très vite avec des représentants du Ministère de la Culture et celui de la Justice. Nous avons trouvé des interlocuteurs très intéressés, notamment au niveau de l’administration pénitentiaire qui était prête à apporter un financement pour avoir des artistes de qualité. Elle s’est montrée aussi sensible aux conditions techniques de sonorisation qui sont difficile à assurer dans les petites salles ou les gymnases dont disposent les prisons. Elle a encouragé les Services pénitentiaires d’insertion et de probation à s’engager dans cette opération, en leur adressant une information spécifique. Je n’ai pas été surpris par l’écoute attentive à notre projet de la Direction de l’Administration pénitentiaire que j’avais déjà eu l’occasion de connaître, il y a une vingtaine d’année. Je l’ai été plus de leur capacité à s’emparer à bras le corps des projets pour aboutir à une collaboration formalisée par une convention d’objectif et de moyens en quelques semaines. Depuis trois ans, nous travaillons avec pragmatisme, efficacité et enthousiasme. Le séminaire « Musique en prison » organisé par la Fédurok et la DAP en décembre dernier en fut un excellent exemple. Dommage que le Ministère de la Culture, notre Ministère de « tutelle », n’ai pu s’impliquer de la même façon…
Ce qui a été initié depuis trois ans a-t-il des chances de se pérenniser ou est-ce un simple mouvement de mode ?
L’action culturelle dans nos équipements est de plus en plus admise et intégrée par nos adhérents. Pour ce qui est de l’avenir de celle qui est engagée en milieu carcéral, je ne peux rien prédire. Mais, je suis plutôt optimiste. Je pense que cela va se pérenniser et qu’on n’est pas seulement sur « un effet de mode ». Ce que l’on constate c’est que les projets qui ont démarré en 2007 ont fait l’objet ensuite de conventions avec les SPIP, preuve que de part et d’autre, on a le désir de s’inscrire dans la durée pour mener des projets pérennes avec les détenus. Cependant, nos budgets sont restreints, ce qui ne nous permet pas de faire tout ce qu’on voudrait faire. L’aide financière du ministère a représenté entre 20.000 et 30.000 €, selon les années, ce qui correspond à une subvention de 800 € pour chaque équipement ayant participé à l’opération. Au regard des budgets engagés, c’est assez faible, chaque action revenant en moyenne, en 2008, à 2250 €. Ce n’est pas cette aide financière aussi précieuse soit-elle qui motive donc nos adhérents. Il y a eu une prise de conscience de l’intérêt culturel et social d’intervenir en milieu carcéral. L’expérience que nous venons de vivre nous a apporté de la maturité dans l’orientation que doit prendre l’action culturelle que nous menons. Mais cela a, peut être, aussi fait mûrir le Ministère de la Justice. J’en veux pour preuve son désir, à présent, de travailler avec une autre fédération, « la Férarock », qui regroupe les radios associatives. Je trouve très intéressant cet l’effet boule de neige car le décloisonnement carcéral et l’action culturelle en prison sont déterminants. Mais pour que ce mouvement s’inscrive dans une dynamique structurelle, il faut continuer à l’accompagner. Ce que nous allons continuer à faire.
Lire le compte rendu de colloque Fedurok - 2009 - Musique en prison, le reportage sur le Pannonica - musique en prison
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°967 ■ 01/04/2010