Les MECS au cœur des évolutions de la protection de l’enfance. Travailler avec l’impossible

CHENUT Martial et VIALLEIX Laurent (sous la direction), Éd. érès, 2018, 402 p.

Voilà un ouvrage éclectique, proposant diverses portes d’entrée pour comprendre ce que sont les maisons d’enfants à caractère social (MECS), à travers leur histoire, le travail éducatif qui s’y déploie, la clinique qui est au cœur de leur raison d’être, leur management, la formation de leurs professionnels, mais aussi leur avenir. Les MECS sont les héritières à la fois des congrégations caritatives fondatrices des orphelinats, des structures disciplinaires structurées autour du carcéral et de la contention, mais aussi des Républiques d’enfants à la Janus Korczak. Avec le temps, elles se sont émancipées de ces modèles. Si, en accueillant l’enfant, elles compensent, pallient et remédient l’autorité parentale partiellement défaillante qui le met en danger, elles ne se posent pas en rivales potentielles, comme les familles d’accueil. Leur fonction ne se situe ni dans la substitution aux parents, ni dans la simple subsidiarité, mais dans la co-éducation avec eux. Aujourd’hui, les MECS sont confrontées à de profondes mutations sociétales qui impactent tant les relations éducatives avec les enfants, que la stabilité des familles ou les liens identitaires de plus en plus mouvants. Les équipes éducatives qui sont confrontées à des publics plus difficiles, plus réactifs et plus intolérants à la frustration, car peu accessibles à la symbolisation, aux règles et aux lois, doivent se montrer à la fois souples et fermes, fluides et solides. Avec le changement de paradigme d’une action sociale  passant du principe catégoriel réparateur à un modèle territorial intégré inclusif, leur fonctionnement est encore appelé à changer. Aux opérateurs indépendants, aux secteurs cloisonnés, aux financements non articulés et aux schémas d’organisation non coordonnés du passé vont succéder l’adaptation au parcours personnalisé de l’usager et l’émergence d’une offre conjointe et complémentaire des différents partenaires devant répondre aux demandes et besoins individuels. Le défi lancé aux MECS est donc concordant : glisser d’une logique de place à une logique de dispositif en reconfigurant les fonctionnements existants pour les mettre au service du parcours de l’enfant confié ; s’envisager comme incomplètes et cesser de ne compter que sur elles-mêmes, en quittant leurs murs, en s’ouvrant à leur environnement et en décuplant leur travail en réseau ; ne plus déplacer l’enfant du milieu familial vers l’institution, mais articuler ses différents lieux de vie en devenant l’un des maillons du faire ensemble.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1225 ■ 22/03/2018