Ethique et déontologie : implications pour les professionnels

Cahiers de l’Actif n°276/277, mai/juin 1999, (184 p.)*

On peut comprendre les besoins de référence dans une époque marquée par l’effondrement des valeurs, la montée de l’individualisme et le développement de technologies nouvelles qui bousculent les modes de fonctionnement traditionnels. Face à des responsabilités accrues, l’aspiration à savoir à quoi s’en tenir  est tout à fait légitime. C’est, dès son origine, que le métier d’assistant de service social s’intéresse à la question de l’éthique. En 1917, paraît aux USA le livre de Mary Richmond qui propose comme axe d’intervention de la profession « le respect des personnes et la promotion de la démocratie ». L’un des aspects les plus pointus de l’éthique élaborée par cette profession, c’est le secret professionnel qu’il ne faut confondre ni avec le devoir de discrétion, ni avec l’obligation de réserve. Ce secret impose le mutisme total sur ce qu’on a appris, compris et connu dans l’exercice se sa profession. Cela est valable en toute circonstance et l’on peut s’interroger sur ces réunions de synthèse au cours desquelles la vie des usagers est le plus souvent complaisamment étalée devant une kyrielle d’intervenants. L’éthique a pu être fortement ébranlée dans certaines circonstances  telle la guerre d’Algérie. Ainsi, en 1956, lors d’une opération dans la Casbah, 80 assistantes sociales sont réquisitionnées pour humaniser le contrôle et notamment procéder à la fouille des femmes. Une poignée de ces professionnelles refusèrent de prêter main forte à cette action policière, au nom de leur déontologie. Déontologie qui n’empêchera pas la majorité d’obéir sans état d’âme, ni hésitation. Les professionnels fondent leur action sur l’articulation de trois strates de discours : le niveau réactionnel qui amène le travailleur social à réagir en tant qu’être humain, le niveau normatif qui le fait se référer à un corps social doté de règles et de lois et enfin le niveau professionnel à partir duquel, il intègre des objectifs, des convictions et des obligations liés à la fonction qui lui est dévolue. C’est la mobilité permanente entre ces trois strates qui permet d’harmoniser les exigences imposées par la norme sociale et les impératifs de sa propre mission. On peut néanmoins s’interroger sur les effets de mode. Après l’idéologie du faire et la fascination de la théorie, les professionnels du social sont passés sous la coupe de la référence au droit, à la déontologie et à l’éthique. Mais, loin d’être un lieu d’échange et de confrontation, cette dernière approche n’aurait-elle pas trop tendance à devenir un nouvel enfermement ? 

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Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°514 ■ 13/01/2000