Action sociale et action humanitaire

ANAS, ESF, 1999, 124 p.

Charité et philanthropie ont pendant longtemps occupé le terrain de la solidarité en direction des plus démunis de la société. La première, d’origine religieuse se fondait sur la conviction qu’au travers du pauvre c’est la personne même du Christ que l’on secourait. La seconde, de nature laïque, était orientée vers une large action culturelle, pédagogique et moralisatrice au service du citoyen. Ce sont ces grandes campagnes lancées au profit de grandes causes qui préfigurent l’humanitaire moderne dont l’acte de naissance remonte à 1863 avec la création par Henri Dunant de la Croix Rouge. Cette idée généreuse ne va toutefois pas prendre de l’ampleur toute de suite. C’est l’Etat qui prend le relais en  investissant de plus en plus massivement l’action sociale. Puis dans les années 1970, avec l’apparition des « French Doctors » de MSF, l’humanitaire prend une ampleur considérable largement soutenu par les Etats puis par les organismes internationaux. Ainsi, la Commission Européenne qui accordait encore en 1976 95% de ses aides d’urgence aux gouvernements des pays concernés, ne leur attribue plus que 6% aujourd’hui, le reste étant directement confié aux ONG (ce qui n’est pas d’ailleurs sans poser la question de leur indépendance).  On assiste donc à la cohabitation de deux secteurs : celui des professionnels de l’action sociale et celui qui prend de plus en plus d’importance des militants bénévoles des organisations humanitaires. Les uns et les autres agissent sur le lien social, la citoyenneté et les droits de l’homme, partant d’une volonté d’apporter un remède à la souffrance et se fixant pour objectif commun d’aboutir à une solidarité effective. Pour autant, là où l’humanitaire intervient sur la demande immédiate et urgente dans un rapport direct et bien plus lisible et visible, l’action sociale s’inscrit dans le long terme, à l’aide de relais institutionnels et d’une façon bien peu médiatique. Certes, l’humanitaire tend à se structurer et l’action sociale devient plus souple et plus mobile, mais les distinctions ne se sont pas dissoutes. Ainsi, Christine Garcette, présidente de l’ANAS s’interroge en se demandant si l’action humanitaire est une nouvelle façon d’appréhender le social et d’interpeller les pouvoirs publics ou au contraire un alibi venant pallier l’insuffisance des réponses structurelles. Xavier Emmanuelli, président du SAMU social et ancien secrétaire d’Etat à l’action humanitaire définit l’urgence sociale en trois points : 1) aller à la rencontre de personnes en difficulté hors des murs de l’institution 2) les placer hors de danger 3) les réinscrire dans un projet de longue durée. Michel Bennassayag s’insurgera quant à lui en affirmant : « L’urgence humanitaire, telle qu’elle est urilisée aujourd’hui réduit les personnes à leur corps et leur dénie tout droit à la dignité humaine. » (p.77) Le débat engagé lors de ce congrès est loin d’être clos entre des acteurs qui sont condamnés à s’entendre.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°523  ■ 16/03/2000