L’éducation spécialisée. Fondements, pédagogies, perspectives

BONNEFON Gérard, CLÉMENT Philippe, VEIL Joseph, WACJMAN Claude, Ed. Chronique sociale, 2013, 176 p.

On a coutume d’affirmer que le travail social, en général, et l’éducation spécialisée, en particulier, ne possèderaient pas un corpus théorique suffisamment élaboré, pour prétendre à une pleine légitimité. La discussion s’éternisera pour confirmer ou infirmer une telle assertion. Mais, s’il est une affirmation qui sera difficilement contestable, ce sont les valeurs fortes dont ils sont porteurs. Et c’est à leur description que s’attache Gérard Bonnefon, en ouvrant ses pages à trois autres contributeurs allant dans la même direction : identifier et présenter toutes les sources d’inspiration d’une profession qui s’est construite, au cours des années, dans la revendication de la dignité de l’être humain. Et c’est d’abord dans l’anthropologie qu’elle plonge ses racines. Celle de Darwin, d’abord, qui montre que l’homme est soucieux de l’autre et du lien social. Celle de Freud, ensuite, affirmant qu’en tant qu’être de désir, de langage et de culture, l’éducation, l’altruisme et les penchants sociaux sont au cœur de la civilisation. Celle de Marcel Mauss, enfin, faisant du don et de la réciprocité les véritables moteurs des relations humaines. Puis, viennent les grands pédagogues visionnaires réfléchissant en avance ou parfois même en porte à faux avec leur époque, tels un Condorcet convaincu de la perfectibilité de l’être humain ou encore un Rousseau élevant l’individu à sa dimension de citoyen. Ce seront ensuite les précurseurs de la prise en charge des enfants différents : Jean Marc Itard assurant l’éducation de Victor de l’Aveyron, Edouard Segui élaborant le premier système médico-pédagogique à l’intention des enfants enfermés dans les asiles, le docteur Bourneville fondateur de l’école-asile de Bicêtre, première institution à destination des enfants réputés inéducables (« gâteux, idiots, arriérés et épileptiques »). On ne compte plus les initiatives qui fleurissent au XXème s’inscrivant dans la continuité d’une pédagogie respectant l’individualité de l’élève, cherchant son éveil et son épanouissement : bien sûr Alexander Neil et son école de Summerhill, Maud Mannoni et son école expérimentale de Bonneuil, Célestin Freinet et son école moderne, Fernand Oury et sa pédagogie institutionnelle. Bien d’autres sont moins connus, comme l’école de Barbiana en Italie proposant la coopération plutôt que la compétition ou Michel Couade, ce psychiatre offrant l’accès à la culture aux malades mentaux de son hôpital psychiatrique. La démarche auprès des plus fragiles physiquement ou psychiquement rejoint l’approche déployée auprès des plus démunis socialement : libérer de l’ignorance par l’expérimentation, l’intégration et la rencontre et réduire les inégalités en favorisant la réciprocité, le faire ensemble société et la citoyenneté.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1119 ■ 26/09/2013