Le savoir-faire éducatif

LOUBET Jacques, Ed. érès, 2012, 223 p.

Après avoir travaillé pendant vingt cinq années comme éducateur spécialisé en ITEP et en hôpital de jour, l’auteur est devenu psychanalyste et formateur en travail social, nous précise la notice biographique de quatrième page. Si les propos de Jacques Loubet s’abreuvent bien aux sources de la théorie freudienne, tout son ouvrage exprime l’attachement et la nostalgie envers cette profession qu’il a tant aimée exercer. A travers des vignettes, des récits issus de son expérience, des réflexions, des textes et poésies produites dans les ateliers d’écriture qu’il a animés, il nous transmet, touche après touche, ses convictions sur les fondements du savoir faire éducatif, titre éponyme de l’ouvrage qu’il nous propose ici. Ne reniant pas les apports ni de la psychanalyse, ni de la sociologie, dans les réponses que ces disciplines peuvent apporter aux professionnels soucieux de donner du sens à ce qu’ils observent et tentent de comprendre, l’auteur constate néanmoins qu’ils sont beaucoup à parler « de » et « sur » notre fonction. Néanmoins, « il reste une place dont nous ne pouvons être délogés : celle de notre présence à l’enfant » (p.9) Et, c’est vrai, explique-t-il, que si l’éducateur travaille dans la permanence (il attend que le temps opère, pour permettre au trop plein d’émotion qui se manifeste, parfois, de s’évacuer), dans la contenance (il est garant de la loi qui structure et sécurise) et dans l’écoute (pour analyser ce qui va au-delà de l’apparence), c’est toujours dans la rencontre singulière avec l’autre. Réceptacle, au quotidien, des projections d’amour et de haine et de bien d’autres ressentis, il sait s’en distancier, et en opérant un pas de côté, comme en se situant justement à l’endroit où le jeune ne l’attend pas, il réussit à créer un vide où l’autre va pouvoir faire son chemin et trouver ses propres réponses. La pratique éducative est donc surtout faite de médiations et de langage. Elle trouve ses applications dans les moments les plus improbables, comme ceux des repas au cours desquels la nourriture sert d’occasion et d’opportunité à l’échange. Mais, l’internat est aussi le lieu où se rejouent les conduites déviantes et où se répètent les problématiques douloureuses, l’occasion d’identifier les symptômes et de tenter de remonter jusqu’à leur source. Et, c’est bien là que se jouent les fondements du travail éducatif : comment réussir à rencontrer et entendre ces personnes qui disent leur (mal-) être au monde, à travers la folie et la destruction ? En offrant aux enfants et aux adolescents accompagnés, la possibilité d’exprimer leurs troubles et leurs souffrances, non par des passages à l’acte violents, mais à travers des aires transitionnelles et des espaces d’intercession potentiels.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1119 ■ 26/09/2013