Concevoir le professionnalisme en SESSAD. Interdisciplinarité et éducation

DUBREUIL Bertrand, Ed. ESF, 2012, 207 p.

Bertrand Dubreuil se lance ici dans une entreprise tout autant risquée que féconde : tenter d’unifier les pratiques en SESSAD. Le piège de sa démarche serait d’élaborer des « bonnes pratiques ». Rappelant l’influence du contexte sociohistorique et l’impérative nécessité de prendre en compte la singularité de chaque situation, il l’évite d’emblée, lui préférant la notion de « références », qu’il définit comme ce qui semble le plus pertinent, en l’état actuel des pratiques. Autre dérive possible, la prétention de la théorie à vouloir surplomber la personne. S’il est essentiel de s’adosser aux sciences humaines, pour se distancier des représentations spontanées, il faut tout autant se méfier d’une démarche totalitaire qui transforme ses adeptes en autant de défenseurs de convictions identitaires. Mais, pour téméraire qu’elle soit, la démarche de l’auteur est aussi prometteuse, tant le corps de doctrine du médico-social n’est pas suffisamment étayée pour s’opposer aux injonctions et normes inappropriées à la mode. Ce dont il s’agit, c’est donc bien de professionnaliser les pratiques : « sans viser l’uniformité, sans entretenir le fantasme de l’hétérogénéité, il faut former un espace de convergence » (p.14) A commencer par le rapprochement entre le modèle médical qui perçoit le handicap comme un problème de la personne nécessitant avant tout un traitement et le modèle social qui conçoit le handicap comme le problème d’une société freinant l’intégration de l’individu. Le SESSAD cherche justement à répondre à la fois à l’altération liée à la déficience et à la fois à la limitation de participation, dont la société se rend responsable. Il articule différents professionnels, non autour d’une théorie globale explicative, mais de l’interdépendance des champs pédagogique, thérapeutique et éducatif. L’auteur s’emploie justement à distinguer la délimitation de chacune de ces approches à la fois contiguës et complémentaires, chacun intervenant selon ses compétences, en respectant le domaine de l’autre, tout en s’articulant à lui. Le SESSAD agit sur le mode de l’incomplétude, relayant des parents qui restent décideurs en tant que détenteurs de l’autorité parentale. Il ne s’agit pas de faire ce qu’ils auraient du faire, mais de s’inscrire dans une co-éducation : être auprès des parents pour qu’eux-mêmes soient auprès de leurs enfants et être auprès de leurs enfants avec leur accord. Aussi, faut-il se préserver des intrusions et de certains propos injonctifs qui relèvent non du médico-social, mais de la protection de l’enfance. Car, si travailler en SESSAD, c’est intervenir dans le milieu de vie de l’enfant, donc y compris à son domicile, ce n’est pas remédier à des carences éducatives ou à des déséquilibres relationnels. Difficile ici, d’aller plus loin dans l’élaboration du processus de professionnalisation décrit par l’auteur, tant son propos est riche et détaillé. Au lecteur d’aller le découvrir.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1110 ■ 20/06/2013