Une petite maison dans un triangle - Il était une fois les auberges de jeunesse

René Sedes, Autoédition, 1998, 120 p.

Il est des mémoires vivantes qui méritent de ne pas se perdre. René Sedes fait partie de celles-là. Le lecteur désireux de plonger dans un récit plein de nostalgie certes, mais bourré d’humour ne doit pas rater l’occasion. L’auteur nous ramène au tout début des années 50 et nous fait suivre sa découverte du mouvement des auberges de jeunesse. En fait, tout commence au début du siècle. Les jeunes citadins allemands cherchent à fuir les logis insalubres et les pollutions des grandes concentrations industrielles. Ils vont parcourir la campagne et retrouver la nature. Au cours de l’été 1907, un instituteur, Richard Schirmann, leur propose un hébergement dans son école. Le mouvement est lancé. En 1911 ouvre la première jugendherberge, qui accueille en permanence les jeunes de passage. L’initiative s’étendra à la France en 1929. Bien sûr deux mouvances s’opposent, celle plus confessionnelle et celle qui se revendique de la laïcité (Centre Laïque des Auberges de Jeunesse ou CLAJ). C’est dans cette dernière où l’on retrouve René Sedes alors jeune adulte, qui adhère avec enthousiasme à cette possibilité non seulement de voyager de façon économique mais aussi de se retrouver avec d’autres jeunes. L’ajisme est alors le support d’une socialisation hors du commun : « la rigueur des principes, comme l’esprit de solidarité, l’égalitarisme ambiant et le sens de l’effort au bénéfice de tous ne pouvaient vraiment pas cohabiter avec l’égoïsme, le théories molles et les comportements intéressés » (p.45-46) Le CLAJ des années 50, c’est d’abord la mixité s’appuyant sur une stricte égalité entre les sexes (tout le monde met la main à la pâte quant il s’agit de cuisine, de vaisselle ou de ménage). C’est aussi un internationalisme qui  prône l’ouverture au monde entier sans discrimination ni particularisme. C’est encore la laïcité qui rejette tout prosélytisme religieux ou politique. Et de ce côté, la vigilance sera bien nécessaire tant un tel vivier de jeunes constitue alors un appât bien tentant pour tous les partis de gauche ou d’extrême-gauche. Dernier principe essentiel : celui de la gestion directe pratiquée par les adhérents eux-mêmes. L’esprit démocratique se retrouve jusque dans l’élection des organes dirigeants qui sont entièrement renouvelés à chaque congrès : « il n’y avait pas la moindre trace de complaisance vis à vis des responsables à qui on accordait qu’une confiance dûment encadrée par le contrôle et la vérification. » (p.97) Le lecteur suivra avec beaucoup de plaisir l’itinéraire de cette jeunesse au travers des mémoires de l’un de ses acteurs les plus actifs.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°479 ■ 25/03/1999