Risque et pratiques éducatives, enjeux et réponses

Joël PLANTET, Dunod, 2001, 144p.

« Le XXème siècle sera celui du risque ou ne sera pas. » C’est sur cette phrase qui n’a jamais été prononcée que ne commence pas l’ouvrage de Joël Plantet. Pourtant, il aurait pu débuter ainsi, tant notre société complexifiée, individualisée et précarisée confronte les équipes éducatives, dans le moindre acte qu’elles posent, à une prise de risque dont elles ne mesurent jamais vraiment toutes les conséquences possibles. Car, l’autonomisation, qui est l’un des axes essentiels de l’acte éducatif, passe par la confrontation au danger. C’est justement parce qu’on devient capable de s’affronter aux périls que l’on peut gérer le risque. Ce paradoxe méritait qu’on s’y attarde quelque peu. C’est ce que fait l’auteur en s’abreuvant pour ce faire à diverses sources que sont le droit ou le cinéma, le reportage ou sa propre expérience professionnelle. Dans un style des plus agréable, Joël Plantet nous offre une ballade sur un thème qui aurait pu être traité de façon bien rébarbative. C’était le risque ! Je suspends un peu ma plume pour tendre l’oreille vers le ronchonnement d’un lecteur : « Trémintin et Plantet ? Ces deux-là ne travaillent-ils pas dans la même rédaction ? C’est de la pommade, cette critique !» C’est vrai que par confraternité, je n’irai pas baver sur un collègue. Mais, je préfèrerais encore ne rien dire que de faire dans l’obséquiosité. Que voulez-vous : cet ouvrage m’a plu. Peut-être parce qu’il est à la fois léger et conséquent, qu’il est plaisant tout en enrichissant celui qui le lit, qu’il conjugue le concept de risque à tous les modes sans avoir la prétention de les avoir épuisés. Risques industriels ou professionnels : c’est vrai que le ver est dans le fruit dès lors qu’on considère que l’incertain est antipédagogique et déstabilisant et que la  bouée de sauvetage réside dans l’établissement de certitudes. Risque zéro, abolition du hasard, garantie absolue de sécurité ... sont incompatibles avec le dynamisme, l’essor, la vie. Reste à savoir et pouvoir « se mouvoir entre le déni du risque et l’excès de l’usage de celui-ci » (p.16) Y arriver n’est pourtant pas une gageure, mais il n’y a pas de recettes connues. C’est l’éternel entre-deux qui traverse le travail social, entre le trop et le pas assez qui fait que tout est risque : en ne signalant pas assez vite (1992 : affaire de Montjoie au cours de laquelle psychiatre et éducateur seront incarcérés pour avoir tardé non pas à mettre hors de danger un enfant abusé mais pour avoir tardé à en informer la justice), ou en signalant trop vite (1996 : affaire de Chaumont au cours de laquelle des éducatrices seront licenciée pour avoir dénoncé des actes de maltraitance institutionnelle), en se confrontant en permanence à la violence des autres, tout en sachant s’en prémunir (périlleux équilibre que parfois l’usure professionnel vient menacer). Mais « le travail social n’est pas soluble dans ses craintes : au contraire, il porte haut son énergie, sa détermination et souvent son audace. » (p.137)

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°593 ■ 18/10/2001