La culture hip hop

Hugues BAZIN, Desclée DE BROUWER, 1995, 305 p.

Trop souvent la culture hip hop a été amalgamée au ghetto, à un phénomène ethnique, voire aux émeutes ou à l’embrasement des banlieues. Hugues Bazin se propose de faire justice de tous ces aprioris et approximations en étudiant d’une manière systématique ce mouvement au travers de son histoire, de sa structuration et de ses trois manifestations que sont la danse, le rap et les expressions graphiques (graff et tag).

Le hip hop prend naissance aux Etats Unis dans le début des années 70. Il apparaît comme réaction morale à la guerre des gangs. Son créateur, Afrika Bambaata revendique l’unification et le refus des conflits territoriaux ainsi que de toute discrimination ethnique. Il propose à cet effet un véritable code de conduite: interdiction de se droguer, de se saouler, d’être grossier ainsi que toute autre action jugée négative. Ce sont les vingt lois de la « Zulu Nation » qui prônent des comportements pacifiques et des actions modèles.

En 1981, la mouvance se diffuse en France, grâce notamment au développement des radios libres. Un animateur, Sydney, propose même une émission de télévision. De ce côté de l’Atlantique comme de l’autre se confirme la nouvelle manière d’être et de penser basée sur la notion d’attitudes positives: violence et agressivité sont canalisées par une recherche de la perfection. Le défi constitue dès lors un moteur et une motivation qui canalisent les émotions. La reconnaissance ne vient ni de la force brute, ni de l’argent ou d’un quelconque jeu de pouvoir, mais uniquement de la qualité de l’oeuvre artistique et de la virtuosité avec laquelle elle est accomplie. Respect, non-violence, anti-racisme deviennent des valeurs centrales, les conflits se résolvent au travers des joutes verbales, dansées ou graphiques.

Bien sûr, l’industrie culturelle n’a pas tardé à récupérer la mouvance. Il est vrai que l’engouement provoqué dans la jeunesse laissait entrevoir de jolis profits. Et les Majors Compagnies d’ouvrir largement leurs catalogues à côté des nombreux labels indépendants créés à la naissance de la nouvelle culture. La rue n’en continuera pas moins à rester le véritable milieu d’élection où se ressource le hip hop: lieu d’inspiration, lieu d’émotion, lieu de rythme. Ainsi, un graffeur, invité dans un salon officiel pour le vernissage de ses oeuvres, se retrouva la nuit venue au contact de la rue pour réactiver sa créativité.

Cette mouvance possède un caractère transculturel qui dépasse les limites sociales ou ethnique: elle agit en tant que médiateur et chroniqueur, révélant l’injustice des situations, promouvant des pratiques instituantes, instaurant des normes, défendant des valeurs.

Hugues Bazin consacre de longues pages à décrire dans le détail la danse (défi lancé tant à l’assemblée qu’aux lois de l’apesanteur), le graphisme (dont l’illégalisme a été plus largement jugé que son expression artistique), le rap enfin (véritable chronique des faits sociaux).

 

Jacques Trémintin –LIEN SOCIAL ■ n°375  ■ 28/11/1996