Les enfants victimes d’abus sexuels

Sous la direction de Marceline GABEL, PUF 1992, 285 p.

Cette monographie propose le regard de quelque 21 spécialistes sur la question des abus sexuels subis par les enfants, Chacun des articles composant l'ouvrage aborde le sujet sous un certain angle d'observation. L'ensemble forme un tout cohérent et tout à fait passionnant.

On y parle d'abord de l'inceste en tant qu'interdit étroitement lié à chaque culture qui lui donne un contenu particulier n'ayant que peu à voir avec la génétique Ou la psychologie. On y parle aussi de la réalité qui veut que tout enfant est aux prises avec les désirs incestueux de ses parents qui peuvent avoir inconsciemment des comportements séducteurs.

Ainsi, l'interaction mère/enfant baigne le bébé dans un bain d'affects. La sollicitation de ses zones érogènes au moment des soins corporels vont l'aider à découvrir son corps et s'éveiller à la sensualité, facteurs essentiels à son épanouissement et à son équilibre.

Mais c'est bien de sensualité dont il faudrait parler en le préférant à la notion de sexualité qui renvoie bien plus au monde adulte : c'est bien le langage de la tendresse qui est de rigueur et pas encore celui de la passion ! L'abuseur, lui s'attaque à un enfant vulnérable (souvent carencé affectivement). Il exerce sur lui une coercition de par l'autorité que lui confère sa situation d'adulte. L'enfant victime en sort quant à lui avec un corps souillé et surtout des sensations nouvelles non intégrées. Sa souffrance, il l'exprimera sous la forme de plaintes somatiques, d'énurésie, d'encoprésie. Ses fonctions intellectuelles et créatrices s'en trouveront éventuellement atteintes. Le risque est grand de le voir s'identifier à son agresseur et de reproduire auprès d'autres enfants les mêmes comportements que ceux qu'il a subis.

Pendant longtemps, la parole de l'enfant a été a priori mise en doute. A cela s'est rajoutée la minimisation du père de la psychanalyse quant aux agressions sexuelles subies par les enfants. Il s'agissait en fait de fantasmes liés au complexe d'Oedipe ! Freud n'aurait-il pas voulu ainsi tenter de diminuer ses convictions quant à la perversité de son propre père ? Il est au contraire essentiel de soutenir la parole de l'enfant : en fait, les risques sont bien plus grands qu'il ne parle pas plutôt qu'il parle à tort ! Les affabulateurs ont d'ailleurs plus tendance à raconter leur histoire à qui veut l'entendre plutôt qu'à garder le secret. On peut toutefois se demander si même dans ce cas, la fausse accusation ne renvoie pas à un épisode ancien...

L'abus sexuel dépasse le cadre de la seule personne de l'enfant. Il implique l'ensemble de la cellule familiale. Il concerne des institutions sociales que seule la crainte d'un discrédit sur l'ensemble des professionnels empêche que n'éclatent au grand jour des affaires graves. Il confronte enfin divers partenaires (hôpital, justice, ASE) qui nourrissent parfois entre eux méfiance et suspicion. Le problème est vaste et complexe, et c'est tout l'intérêt de ce type de publication que d'aider à y voir plus clair.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°273  ■ 15/09/1994