La cité au travail. L’insertion des jeunes de "banlieue" d’origine maghrébine

CHAVANES Jacques, L’Harmattan, 2009, 211 p.

Les clichés les plus éculés collent à la banlieue. Les jeunes y seraient tous en échec scolaire, au chômage et délinquants. Ceux qui s’en sortent sont considérés comme des héros. Ces jeunes caricaturés ainsi n’existent pas : ils sont surtout le reflet de nos fantasmes. Tout l’intérêt de l’ouvrage de Jacques Chavane est justement de rétablir la réalité, en s’appuyant pour cela sur des études statistiques et des enquêtes de terrain. Si un tiers de la population jeune des quartiers reste éloigné du marché du travail, un peu plus de la moitié y est tout à fait intégrée, se fondant même dans une invisibilité banale, à l’image de tous les autres jeunes ouvriers. La trajectoire d’insertion s’étend sur une période moyenne de trois ans, avec une succession d’étapes passant par un temps d’inactivité ou de chômage, puis des premières formes d’emploi précaires (intérimaires), des retours en formation continue complémentaire et enfin un accès à un emploi stable. Contrairement à ce que laisse croire le mythe de la démission parentale, les familles d’origine immigrée formulent bien plus d’attentes de réussites scolaires que les familles françaises de même niveau socio-économique. Mais, elles doivent faire leur deuil de leurs illusions. Car, si en 1998, 42% des garçons et 27% des filles sortaient de l’école sans diplômes, ceux qui en étaient pourvus ne pouvaient guère en faire usage, le travail disponible étant sous-qualifié : nettoyage, entretien,  manutention, gardiennage, transports, travaux publics… C’est bien plus la capacité d’adaptation individuelle (ponctualité, assiduité, respect des règles, investissement personnel, force physique, endurance) qui compte alors pour travailler, que le bagage scolaire. L’accès aux carrières sociales est l’une des rares exceptions permettant d’éviter le chômage et l’usine, tout en pouvant travailler auprès de son milieu d’origine. La banlieue voit donc cohabiter des groupes de jeunes à sociabilité hétérogène qui ne se réduisent ni aux émeutiers, ni aux intégristes. S’il est nécessaire d’éviter les généralisations hâtives, il est pourtant possible de tenter de repérer les facteurs qui favorisent cette insertion. Parmi les paramètres familiaux favorables, on compte une forte volonté d’intégration et une image pas trop dégradée de ses conditions de vie, la transparence quant au projet migratoire quand celui-ci intègre le projet de permettre aux enfants de bénéficier d’une promotion sociale, mais tout autant la conscience des difficultés de la réussite scolaire et l’acceptation d’un possible échec. Les familles se discréditent quand elles adoptent le discours répressif et autoritaire que l’opinion publique leur reproche de ne pas suffisamment avoir. Car ce dont ont besoin leurs enfants, c’est de dialogue et d’un mode d’emploi.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°963 ■ 04/03/2010