A quoi pensent les autistes?

JOUBERT Martin, Ed. Gallimard, 2017, 159 p.

Les premières pages de Martin Joubert sont limpides. Dommage que la suite ne le soit pas toujours. La pathologie de l’autisme, affirme-t-il, se caractérise par une très grande variété de tableaux cliniques. Celui qu’il nous décrit renvoie à cet abîme de perplexité, auquel certaines personnes vivant avec ce syndrome sont confrontées, quand elles font face à l’expression d’une émotion qui représente pour elles un continent mystérieux, une terre étrangère et un univers de non-sens. Vivant avec une pensée concrète et dans un espace-temps marqué par une temporalité tant réversible que circulaire, elles ne peuvent accéder à cette identification qui leur permettrait d’articuler imaginaire et symbolique et ainsi de se représenter ce que l’autre ressent. Elles compensent cette carence par une relation de collage et d’adhésivité, chaque aspect du réel étant traité isolément l’un de l’autre, les bouts de corps, les orifices et les surfaces ne pouvant être reliés dans une image corporelle globale. C’est dans le rapport continuité/discontinuité psychique qu’elles tentent d’organiser leur expérience corpéo-affective et de développer les contenus de leur pensée. Leurs mouvements répétitifs doivent être compris comme un repli temporaire leur permettant de faire face à l’afflux d’excitation et de contrôler leur pulsionnalité. Le soignant, continue l’auteur, doit supporter de se trouver perdu et accepter de vivre dans la perplexité et le désarroi, sans chercher à se raccrocher aux branches du premier arbre théorique venu. C’est exactement le contraire que fait l’auteur. Pour étayer un schéma conceptuel quel que peu abscons pour les non-initiés, il s’appuie sur de nombreuses vignettes cliniques, dont ce suivi d’un enfant mené de ses 3 ans à ses 13 ans, illustrant plutôt une cure sans fin, qu’une fin de cure.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1236 ■ 04/10/2018