J’ai rendu mon uniforme

BASSET Mathilde, Ed. du Rocher, 2019, 250 p.

On pensait les cadences infernales réservées à la production à la chaîne. Un autre lieu de travail les a adoptées : les institutions pour personnes âgées dépendantes. Mathilde Basset nous propose un tour du propriétaire des plus effrayant. Toute jeune diplômée, cette infirmière est allée bien volontiers y travailler. Rapidement, c’est l’angoisse qui s’est emparée d’elle, chaque matin, au moment de prendre son service : jusqu’à près d’une centaine de patients à voir dans sa journée, sans se tromper de traitement et en assurant le traçage informatique méticuleux des tâches accomplies. Une résidente demande à aller aux toilettes, une autre à composer un numéro de téléphone, une autre encore à ramasser des lunettes tombées au sol. Pas le temps ! Il faut optimiser son action, pour grappiller quelques secondes, quelques minutes. La pression aggrave la fragilité nerveuse et émotionnelle, réduisant l’empathie et bafouant le droit à la dignité humaine. L’auteure a pourtant connu une première expérience positive dans une maison de retraite respectueuse du public accueilli. Encore faut-il que les personnes âgées ne soient pas réduites à un flux soumis à une logique de rentabilité financière. Les soignants étant consommés comme du matériel à usage unique, Mathilde Basser a choisi de refuser d’être la caution de ce système maltraitant qu’elle a dénoncé dans son blog. Elle a trouvé du travail dans un CMP.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1260 ■ 28/10/2019