Avoir mal et faire mal

Catherine Sellenet, Hommes et perspectives, 2001, 200 p.

La violence interroge tous nos repères, et notamment la frontière entre ce qui est permis et ce qui est interdit, entre l’acceptable et le condamnable, entre le public et le privé. Selon les sociétés, les époques et les milieux, ces limites ont toujours évolué, rendant mouvantes les distinctions entre violence autorisée et violence réprouvée. Pour comprendre ces manifestations, deux modèles sont traditionnellement utilisés. On fait tout d’abord référence aux origines endogènes : ce sont les théories ethnologiques, neurologiques ou psychanalytiques qui situent l’origine au sein même de l’individu. Ces pulsions, que l’on trouve au fond de chacun d’entre nous, peuvent connaître quatre destins : le renversement en son contraire (l’amour), le retournement sur soi-même (l’auto-agression) qui constituent les formes les plus pathologiques, mais aussi le refoulement (mise à l’écart momentanée ou définitive) ou encore la sublimation (détournement vers une satisfaction de l’esprit) qui en sont les manifestations socialisées. L’autre modèle se situe plus dans une logique exogène comme l’explique bien la systémie ou l’approche socio-culturelle qui recherche avant tout les sources du problème à l’extérieur. Tous ces repères cliniques apparaissent ici comme fondamentaux à tout intervenant qui veut aider les parents à sortir du cycles de violences qui mettent en danger leur enfant. Cette violence n’est jamais unique, mais au contraire multiple, pouvant prendre la forme d’une perte de contrôle, d’une absence de réponse adaptée ou encore d’une réaction à ce qui est perçu comme une provocation, autant qu’un acte délibéré et voulu. Le premier souci du professionnel doit bien être d’accompagner les parents dans le décryptage de ces rituels à partir du contexte de leur apparition, de leurs causes probables et de leurs formes. Si l’auteure rappelle d’emblée les trois axes proposés par le groupe Houzel (dont elle a fait partie) en matière de parentalité (exercice, expérience et pratique), chacun d’entre eux pouvant faire l’objet d’un disfonctionnement, elle n’hésite pas à en ajouter un quatrième : les effets induits par les interventions des professionnels auprès des parents. Car la violence est aussi celle subie lors d’une évaluation qui confronte au modèle de la bonne famille, à partir de la hiérarchisation des actes qui s’appuie sur les seules normes et valeurs de celui qui observe. L’évaluation, tout au contraire, doit respecter une exigence de validité (deux observateurs différents devant pouvoir arriver à la même appréciation),  de cohérence (entre les objectifs poursuivis et la procédure mise en oeuvre), mais aussi de pertinence dans le choix des informations recueillies et transmises. Catherine Sellenet s’appuie ici largement sur le travail quelle a réalisé auprès des parents pour mettre en perspective l’action des professionnels et d’interroger les pratiques tant éducatives qu’institutionnelles.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°589 ■ 20/09/2001