La prévention de la maltraitance des enfants

Laurence MOUSSET-LIBEAU, L’Harmattan, 2004, 213 p.

Beaucoup d’études ont été consacrées tant à la question de la maltraitance qu’à celle de la prévention. Il en existe bien peu sur la prévention de la maltraitance. Laurence Mousset-Libeau explique cette situation par le sort généralement réservé à la prévention dans notre pays. Dans le domaine médical, c’est bien le modèle organiciste et curatif se centrant sur le symptôme de la maladie qui a toujours pris le pas sur la dimension bien plus globale de la santé  intégrant en plus de la personne la famille ou encore l’environnement. Dans le domaine de la politique criminelle, l’étude du passage à l’acte a permis de percevoir l’auteur des faits comme un sujet doté d’une vie émotionnelle, de processus mentaux, d’aptitudes sociales et morales qu’il était précieux de connaître si l’on voulait éviter la récidive et peut-être réduire les comportements délictueux. Mais, plus que la prévention, ce qui a toujours compté, c’est le principe de la punition sensée être dissuasive et réformatoire. C’est donc bien toujours la logique curative (en matière de soins) et répressive (en matière de justice) qui a été privilégiée. Pour ce qui concerne la maltraitance, on retrouve la même logique. On a veillé à former les professionnels pour leur permettre de mieux détecter les violences dont sont victimes les mineurs, tant il est difficile de toujours réussir à distinguer une souffrance liée à la séparation parentale ou à un syndrome dépressif, d’une souffrance liée à la maltraitance. Mais en ce qui concerne la prévention primaire, notre pays fait preuve de bien peu d’imagination, se contentant de reproduire depuis quinze ans, sans aucune évaluation, les mêmes campagnes basées sur l’incitation des enfants à l’autoprotection. Or, l’enfant n’est pas toujours en mesure de se protéger efficacement seul face à la force ou à l’autorité symbolique. Sa vulnérabilité est encore renforcée du fait de sa dépendance à l’égard des adultes sensés les protéger. La série de lois qui est votée à compter de 1980 (premier texte législatif à donner un cadre légal au crime sexuel) s’est focalisé sur ce qui se passe à l’extérieur de la famille, alors que l’essentiel des agressions a lieu en son sein. Ce qui fait qu’il ne peut forcément transformer des connaissances acquises en comportements concrets dans une situation à risque. La politique de prévention ne repose quasiment que sur les épaules des enfants. Pourtant, d’autres approches sont possibles. L’auteur décrit des programmes appliqués tant en primaire qu’en collège, consistant à travailler sur la socialisation et le développement personnel, passant par l’entraînement à la résolution de conflit par la médiation et non par le passage à l’acte. Ces expériences ont abouti à l’amélioration de l’estime de soi des élèves et la diminution du stress des adultes, par l’adoption de stratégies d’adaptation faisant une large place au respect de l’autre.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°746  ■ 24/03/2005