L’enfance abandonnée

Jean SAWRAS, Houtland éditions, 1997, 161 p.

Le sort de l’enfance abandonnée a commencé sous de mauvais augures : les civilisations grecques et romaines autorisaient l’infanticide. La religion chrétienne le proscrit et organise l’abandon. Les pères sont alors autorisés à vendre leur progéniture. C’est de 787 que date la création du premier hospice ouvert aux enfants délaissés, parallèlement aux hôpitaux qui reçoivent aussi les pauvres. Vincent de Paul milite activement à compter de 1638 et tente d’éveiller la sollicitude de l’Etat. Il devra attendre 1670 pour que Louis XIV délivre lettre patente à sa fondation “ la maison des enfants trouvés ” qui passe alors du privé au public. A la fin du XVII ème siècle, la misère s’étend : 10% de la population en est réduit à la mendicité. Le nombre d’enfants illégitimes et abandonnés s’accroît infiniment. Ils viennent rejoindre la masse des mendiants et vagabonds jetés sur les routes. Louis XV lance par un édit de 1750 le mouvement du “ grand enfermement ” visant à regrouper au sein des hôpitaux généraux tous les pauvres, gueux, enfants et orphelins : “ on prend en charge l’individu aux frais de la nation, mais aux dépens de sa liberté individuelle. Entre lui et la société, s’établit un système implicite d’obligations : il est nourri, logé, mais doit accepter la contrainte physique et morale de l’enfermement ” (p.32) L’asile de Paris passe ainsi de 312 enfants accueillis en 1670 à … 6918 en 1770 ! La Révolution de 1789 va substituer la conception de la justice à la notion de charité chrétienne. Aux hospices qui perdurent malgré tout est préféré le placement auprès de nourrices jusqu’à 12 ans et auprès de cultivateurs, artisans ou manufacturiers au-delà. Et l’on voit très vite des entrepreneurs proposer aux pères de famille nombreuse de se soulager de certains de leurs enfants en assurant leur entretien et leur apprentissage professionnel dans des établissements annexés aux usines. En 1811, Napoléon 1er  réorganise dans son ensemble les services des enfants trouvés en systématisant les mises en nourrice et en apprentissage financées par l’Etat. Le nombre d’enfants pris en charge gonfle alors pour atteindre 122.000 en 1826. Des colliers scellés permettant d’éviter les fraudes feront tomber ce chiffre en 1859 à 76.520. C’est là l’embryon de l’Assistance Publique que l’on retrouve aujourd’hui sous la forme de l’Aide Sociale à l’Enfance.  Jean Sawras nous décrit cette longue évolution en faisant une large place aux documents d’époque : ordonnances et décrets royaux, règlements intérieurs des hospices.

 

Jacques Trémintin – GAVROCHE  ■ n°100 ■ mai-août 1998

LIEN SOCIAL ■ n°434 ■ 19/03/1998