L’enfant, la famille, la maltraitance

Inès ANGELINO, Dunod, 1997, 240p.

Inès Angélino a trouvé à la fois le ton et les mots justes pour aborder un sujet à propos duquel les publications se multiplient sans toujours arriver à préserver une qualité dans le propos.

Au départ est parfois la faille narcissique provoquée par l’enfant qui n’arrive pas à combler et compléter les manques et/ou blessures des parents. Ce peut aussi être l’enfant du deuil rendu imaginairement responsable de la mort de certains être chers. Mais encore celui tenu à distance par une mère ne supportant pas l’animalité de leur bébé. A ce stade, la prévention est essentielle pour permettre au parent d’exprimer ses sentiments négatifs : exaspération, rejet, désinvestissement. Mais, le pire n’est pas toujours évité. Quand il se manifeste, ce n’est pas uniquement sous la forme traditionnellement présentée de l’abus père/fille. L’auteur aborde aussi l’inceste mère/fille, mère/fils et père/fils. L’agresseur peut tout aussi bien être un beau-père qu’un oncle, un frère qu’un grand-père. C’est, explique Inès Angélino, qu’être père n’est pas un donné, mais un construit : “ peut-on apprendre à devenir papa ? Certains hommes trouvent spontanément la chaleur et la distance nécessaires. D’autres se trouvent gênés et démunis ”(p.166) Quand ils souffrent d’une profonde immaturité affective, la côte d’alerte peut très vite être atteinte. Quant à l’enfant-victime, il peut parfois réagir sainement en protestant, ce qui peut suffire à écarter le danger. Mais, il peut aussi se retrouver paralysé et annihilé. Quand il s’identifie à l’agresseur en intégrant son mode de fonctionnement psychique, c’est certes une manière de se défendre, mais cela présage mal d’un avenir fait de reproduction ou d’aveuglement à l’âge adulte . Pourtant, cette perspective n’est nullement une obligation tant les exemples fourmillent montrant qu’“ une rencontre précoce des personnalités différentes de celle de leur parent, leur offrant d’autres modèles de développement, a permis une greffe humaniste d’une présence vitalisante ”(p.212) Pour d’autres, ce sera la découverte à l’âge adulte d’un partenaire compréhensif et réparateur. Sans oublier la possible thérapie. Mais, l’auteur met aussi en garde contre l’agrégation entre loi symbolique et loi sociale qui prétend faire du procès de l’agresseur une solution obligatoirement libératrice. Il y a là l’effet d’un adultomorphisme qui vient plaquer sur l’enfant les sentiments et soucis des adultes. La revendication légitimement répressive de la société ne tient guère compte du conflit de loyauté dans lequel on plonge la petite victime au nom d’une volonté bienveillante de restauration.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°440 ■ 30/04/1998