Adolescentes, adolescents, psychopathologie différentielle

Sous la direction d’Alain Braconnier et all., Bayard Editions/Fondation de France, collection Païdos-Adolescence, 1995, 211 p.

Après des siècles de domination masculine, la civilisation patriarcale a subi les coups de boutoir de la critique féministe. L’une des dérives qui en a découlé, c’est bien le déni de toute distinction et la méfiance par rapport à tous ceux qui tentaient de la mettre en évidence. Comme l’explique Elisabeth  Badinter après « l’un sans l’autre », on est passé à « l’un est l’autre ». La complémentarité des sexes aboutit pourtant à des  différences qui n’impliquent nullement une supériorité ni d’un côté, ni d’un autre.

S’interroger sur la pathologie à l’adolescence en étudiant ses manifestations en fonction des sexes, c’est ouvrir un champ de recherche très peu défriché jusqu’à présent. Mais c’est aussi déboucher sur d’autres domaines connexes relatifs aux sciences cognitive, anthropologique ou sociologique. Cet ouvrage fait suite à un colloque réunissant de nombreux spécialistes de l’adolescence. Il sonde la profondeur de la problématique sans prétendre être exhaustif.

Première direction explorée celle du rapport Fille/Garçon concernant la consultation psychiatrique. Le constat a pu en être fait  à l’échelle mondiale: dans l’enfance il y a plus de garçons que de filles à consulter. A l’adolescence la proportion s’inverse. Il faut attendre l’âge adulte pour voir se rétablir l’égalité. On a pu évoquer une fragilité  psychobiologique du sexe mâle ou encore un rythme de croissance plus régulier chez la fille (donc moins problématique). L’hypothèse socioculturelle évoquée à un moment a été infirmée. Tout comme celle selon laquelle les filles auraient « bénéficié » d’une plus grande tolérance des adultes à la manifestation de la souffrance.

Il y a aussi ces tentatives de suicide plus courantes chez les filles alors que les suicides réussis sont en grande majorité masculin (à 75%).

Encore, ces conduites liées à la consommation d’alcool, de drogue ou encore ces comportements antisociaux qui sont plus le fait des garçons là où les filles manifestent plus de troubles émotionnels. La sociologie vient ici à la rescousse pour comprendre cette répartition: les premiers sont plus valorisés pour leur compétitivité et leur agressivité (d’où plus de passages à l’acte) alors que les secondes encouragées à la soumission et à la dépendance auraient une estime-de-soi liée à l’approbation d’autrui (d’où les fortes préoccupations à l’égard du corps).

En même temps sur d’autres plans, les mêmes causes provoquent les mêmes effets quelque soit le sexe: il en va ainsi des psychoses et des Troubles de Conduites Alimentaires dont l’un des terrains favorables se situe bien au niveau d’une mauvaise estime de soi et d’une fragilité narcissique.

Finalement, les éléments de recherche quant à cette psychopathologie différentielle font état d’interaction entre le biologique, le culturel et la psychologie individuelle sans qu’aucun facteur déterminant ne puisse être mis en avant.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°313 ■ 29/06/1995