A la rencontre des jeunes en souffrance. L’expérience d’une équipe mobile pluriprofessionnelle

TORDJMAN Sylvie, WISS Mathias & all, Ed. De Boeck, 2014, 278 p.

Voilà un ouvrage à déguster, en s’y prenant à plusieurs fois. Car, on peut le lire, en utilisant au moins six entrées. La première, c’est bien sûr la présentation d’un dispositif psychiatrique aussi innovant que créatif qui s’est donné comme objectif d’entrer en relation avec des adolescents en souffrance qui refusent tout contact avec les psys ou tout autre professionnel ambitionnant de leur venir en aide. On y trouvera un descriptif précis et détaillé de l’action de l’« Équipe mobile pour enfants et adolescents » (EMEA) située près de Rennes. Seconde entrée possible, la riche approche conceptuelle qui sous-tend toute cette démarche. Sont présentées des références théoriques à la fois pertinentes et diversifiées démontrant comment l’action engagée a été pensée. Troisième entrée, le cadre historique et contextuel, national et international de l’intervention à domicile en général et des équipes mobiles, en particulier. Quatrième entrée : l’expression spécifique de chacune des professions, parties prenantes de l’équipe : médecins, cadres de santé et psychologues y prennent la parole au même titre que les éducateurs spécialisés, infirmiers, assistante sociale et secrétaire médicale. Cinquième entrée possible, celle de l’évaluation scientifique du dispositif réalisé à l’aide de questionnaires proposés un, quatre et dix mois après la fin de l’intervention. Enfin, la sixième et dernière entrée, ce sont ces reportages télévisés que l’on peut consulter sur le DVD glissé dans l’ouvrage, qui permettent de visualiser en quoi consiste concrètement cette action. Ce qui ressort de ce livre, c’est un sentiment de cohérence et de cohésion d’une équipe qui sait où elle va, tout en acceptant le risque de la rencontre ; qui se donne des objectifs ambitieux, tout en préservant son humilité ; qui est constituée en interne sur une logique pluridisciplinaire dont elle pourrait se contenter, tout en travaillant en collaboration étroite avec tout un réseau partenarial extérieur ; qui sort du cadre protecteur des murs de l’institution, tout en respectant l’intimité des familles et en la préservant de toute intrusion ; qui affiche sa grande capacité de mobilité physique, tout en se montrant à la fois réactif et particulièrement adaptatif au niveau psychique ; qui suit à la lettre une méthodologie qui peut apparaître directive, tout en acceptant que ses opinions soient revisitées par les partenaires et les familles ; qui se montrent férue de références théoriques, tout en ne s’enfermant dans aucun carcan conceptuel. Ce qui décrit sans doute le mieux le fonctionnement de l’EMEA est cette parabole du jardinier s’appliquant fort bien à son travail : ce n’est pas en tirant sur ses feuilles que l’on fait pousser une plante, mais en aménageant au mieux l’environnement qui va lui permettre de s’épanouir.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1162 ■ 30/04/2015