La famille peut-elle encore éduquer?

Barbara WALTER, érès, 1997, 142 p.

En matière d’éducation familiale, nous sommes dans une époque à la fois plus libre, mais aussi moins rassurante. Auparavant, la nécessité de choisir s’imposait rarement : chacun devait suivre une partition écrite d’avance. Aujourd’hui, il n’y a plus de modèle sur lequel s’appuyer. Il faut rejeter l’alternative selon laquelle la famille serait soit spontanément éducative, soit par essence enfermante et malsaine. L’auteur nous propose une revue de sept ouvrages de pédagogie qui vont des « Petites filles modèles » de la Comtesse de Ségur à « Lorsque l’enfant paraît » de Françoise Dolto, en passant par « J’élève mon enfant » de Laurence Pernoud et même « Catéchisme pour adultes » de l’église catholique. Barbara Walter démontre la multiplicité des formes d’éducation et dénonce la tendance qui vise à tout baser sur un seul principe. Il est important d’évoquer la morale, mais à condition que celle-ci fasse l’objet d’une libre adhésion à des conceptions qui sont toujours marquées par la culture et l’histoire. Il est important d’expliquer à l’enfant, mais à condition de lui laisser aussi la possibilité de découvrir et d’éprouver la réalité par lui-même, trop d’explication excluant chez lui toute place d’acteur. Il est important de communiquer, mais le dialogue ne supprime pas le conflit et ne doit pas empêcher l’autorité des adultes à qui il incombe de prendre leurs responsabilités. Tous ces principes mettent un accent sur un des aspects de la personnalité. Attention qu’ils n’aboutissent pas à l’enfermement du sujet. L’éducation familiale échappe à toute modélisation car chaque interaction parent/enfant est unique. On ne peut donner que des conseils et non des prescriptions, des opinions et non des certitudes, des repères et non des modèles de principe. « S’enfermer dans un principe signifie figer la relation, enfermer l’enfant dans un comportement déterminé, refuser la rencontre lorsque celle-ci n’entre pas dans la prescription du principe. » (p.142) Et l’auteur de proposer un certain nombre d ‘exigences, propres à favoriser l’éducation familiale dans les meilleures conditions. Exigence de conjugalité (existence de deux membres du couple), exigence affective (les parents devant faire le deuil de l’enfant merveilleux pour aller à la rencontre de l’enfant réel), exigence d’autorité parentale (rôle séparateur qui évite la relation fusionnelle), exigence morale (qui ne doit pas empêcher, mais ouvrir au discernement), et enfin exigence de réussite (« l’homme véritable reste inachevé et se crée sans cesse lui-même en créant des valeurs nouvelles » p.130). Eduquer, c’est apprendre à sacrifier la jouissance immédiate, à respecter inconditionnellement la différence, à donner du temps pour l’autre … cela implique « de savoir anticiper les changements de l’enfant. C’est croire en ses possibilités, en sa capacité d’évoluer »( p.138) A ces conditions, la famille accomplit positivement sa fonction.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°531  ■ 11/05/2000