Les enjeux de la parentalité

Sous la direction de Didier HOUZEL, érès, 1999, 200p.

A l’excès fréquemment dénoncé d’une cassure des liens entre les enfants placés et leurs parents, n’a-t-on pas abouti à un excès inverse, consistant à maintenir à tout prix ces mêmes relations avec des parents destructeurs parce qu’inadéquats ou pathologiques? A partir de quels indices peut-on et doit-on favoriser le rapprochement ou au contraire organiser la distance entre les uns et les autres ? Comment savoir si une rupture sera traumatisante pour le psychisme de l’enfant ou au contraire structurante ? Répondre à ces questions implique d’y voir plus clair quant aux mécanismes de la rupture psychique ainsi que sur ceux de la parentalité et de la dysparentalité. C’était l’objectif fixé par le ministère de l’Emploi et de la Solidarité à une commission d’experts qui ont travaillé dans une logique de synthèse entre les approches psychanalytique, systémique, juridique, administrative et sociale. Ce livre est le produit de leurs travaux d’élaboration. A partir de dix cas cliniques, ils ont tenté de définir un certain nombre de constantes. Ils ont ainsi pu repérer différents facteurs pertinents comme l’importance non pas de la rupture qui est fréquente dans la vie de tout enfant, mais de son élaboration par le sujet, la notion du temps qui est différente pour l’enfant, les adultes, les institutions et la justice, la tendance des professionnels à être dans la contagion par rapport aux dysfonctionnements des familles en difficulté etc …

Le groupe a ainsi défini trois axes de la parentalité. Premier axe : l’exercice de la parentalité qui se situe au niveau du symbolique. Cela correspond à tout ce qui est lié aux droits et aux devoirs. Second axe : l’expérience de la parentalité.  Intervenant tant en matière affective qu’imaginaire, cet aspect renvoie tant au désir d’enfant qu’au processus de parentification qui amène un homme à devenir père et une femme à devenir mère. Enfin, troisième axe : la pratique de la parentalité. Cela comporte les soins physiques tout autant que psychiques, les interactions comportementales tout autant qu’affectives : comment se noue la relation entre l’enfant et le parent, comment elle se concrétise ? Evaluer la capacité de parents à exercer leurs fonctions, serait alors se référer à l’expression de ces trois axes. Les professionnels auraient la responsabilité de répertorier les capacités et les incapacités, les potentialités et les manques, les compétences et les inaptitudes à assumer le rôle parental. S’ensuivrait un travail permettant de valoriser les ressources et d'établir une représentation stable de ce que les parents peuvent ou non effectuer. On pourrait, en conséquence, les soutenir et les accompagner dans un processus de rétablissement de pleine parentalité, si cela s’avère envisageable. Mais, on pourrait aussi, et cela est aussi important, leur reconnaître le droit à une parentalité partielle au niveau de ce qui leur est possible de fournir et non pas de ce qui est souhaitable.

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°531  ■ 11/05/2000