Psychiatrie, hôpital, prison, rue

SANLAVILLE Dominique, Éd. Chronique Sociale, 2019, 143 p.

La création de la psychiatrie de secteur, à partir des années 1970, avait pour ambition de faire sortir l’hôpital hors de ses murs et de permettre une continuité des soins sans qu’ils soient conditionnés par l’internement. Mais, vider les asiles impliquait de développer parallèlement les hospitalisations à domicile et hôpitaux de jour, les centres médico-psychologiques et Centre d’activité thérapeutiques à temps partiel susceptibles de prendre le relais. Mais, la fermeture de 50 % des lits n’a été compensé que par un accroissement de seulement 1,5 % des structures extérieures. La lutte contre la chronicisation des hospitalisations a surtout servi de prétexte aux gestionnaires pour imposer des coupes budgétaires massives. La condamnation de la psychiatrie à ne plus être qu’une branche de la médecine organique a miné l’approche psychologique qui privilégiait la parole et la présence humaine pour apaiser les crises des patients. La réduction drastique des effectifs d’encadrement qui s’en est suivi s’est traduit par l’explosion du nombre des contentions, des enfermements en chambre d’isolement et des injections neuroleptiques. Mais, cette dégradation de la psychiatrie n’a pas été catastrophique qu’en interne. Si les services se sont vidés au gré des restructurations, les prisons et la rue se sont remplies, devenant le plus grand espace psychiatrique de notre société. Le nombre de détenus a été multiplié par presque trois en plus de 40 ans, 80 % d’entre eux souffrant de d’affections psychiatriques et 35 à 42 % de troubles graves. Le nombre de SDF a doublé en dix ans : on y trouve dix fois plus de troubles psychotiques que dans le reste de la population. Le sort des fous se résume au cycle entre la rue, les foyers d’hébergement, quelques rares hospitalisations et la prison.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1270 ■ 31/03/2020