Les bleus de l’âme, angoisses d’enfance, angoisses d’adultes

Alain BRACONNIER, Calmann-Lévy, 1995, 190 p.

Voilà un superbe ouvrage sur un thème qui fait souvent l’actualité tout en étant parfois un peu trop galvaudé: l’angoisse et l’anxiété.  Alain Braconnier signe ici un essai d’une grande qualité. Alternant apports théoriques et vignettes cliniques, il ouvre au non-spécialiste, en termes simples et passionnants l’univers de la déprime. De sa double casquette de médecin et de psychanalyste, il nous fait plonger respectivement dans le monde de l’enfance de l’adolescence et de l’âge adulte.
Tout d’abord un état des lieux: 48% des 6-8 ans, 37% des 9-12 ans, 15 % des adolescents et des adultes souffrent de troubles anxieux. Il s’agit donc bel et bien d’une réalité non négligeable. L’angoisse que l’on situe plus au niveau physiologique et l’anxiété au niveau psychique constituent une réponse à la perception d’un danger potentiel. C’est une réaction tout à fait saine et utile face aux tensions d’ordre intérieur et aux dangers extérieurs. Il convient de distinguer cet état  de la dépression qui se situe plus dans l’installation d’un mécanisme de défense face à un traumatisme accompli chez un individu qui ne peut réagir autrement. L’angoisse situationnelle n’est donc pas l’inhibition anxieuse permanente.
L’angoisse peut survenir au moment de l’enfance. Plaintes somatiques, passages à l’acte, impossibilité d’accéder à l’autonomie, mais aussi excitation et agressivité (alors que chez l’adulte on remarque plus abattement et tristesse) marquent la difficulté de séparation avec l’objet d’amour primaire (la mère). Mais cela peut aussi correspondre à l’absence de structures affectives solides qui provoquent un terrible sentiment d’abandon.
L’adolescence est aussi propice aux manifestations pathologiques d’angoisse. Toutefois, il ne faut pas les confondre avec l’état de crise normal à cet âge: doutes sur soi-même, troubles face aux transformations physiques et aux remaniements psychiques...
Mais, l’anxiété peut aussi frapper dans la pleine force de l’âge, plaçant l’adulte dans une situation d’étonnement et de peur face à une attaque de panique qui survient sans motif apparent, qui gomme les repères et annihile la volonté.
La pharmacopée moderne a mis au point des substances chimiques susceptibles de calmer les effets de ces crises. Pour autant, elles ne résolvent pas le problème. Il n’y a pas de secret: un enfant encouragé, soutenu et respecté a toutes les chances de devenir un adolescent et un adulte solides. A contrario, une enfance ou une adolescence douloureuses peuvent provoquer de graves difficultés. Il revient au psychothérapeute d’en chercher l’origine et ce qui se cache derrière. Un événement précis de l’enfance peut devenir une petite bombe à retardement qui explosera à tout moment de la vie. Ce traumatisme enfoui au fond de l’inconscient, ressurgit alors d’une façon incompréhensible pour le sujet du fait-même des souffrances que son refoulement a cherché à éviter.
En matière d’éducation, il n’y a pas de recette-miracle. L’important est surtout de savoir que l’angoisse emprunte les mêmes voies que la confiance pour se transmettre des parents aux enfants.

 

Jacques Trémintin - LIEN SOCIAL ■ n°338 ■ 01/02/1996