Les liaisons interdites

Jacques ROBION, édition Cassiopée (Les Coteaux 44690 Monnières), 2000, 75 p.

Le propos introductif de l’auteur ne peut qu’irriter les coteries freudienne et lacanienne et que nous apparaître, au demeurant, sympathique. Ce psychologue intervenant en milieu ouvert et en thérapie familiale se refuse à tout « acte d’allégeance à une école de pensée où finissent par se stériliser toute recherche, toute ouverture d’esprit » et appelle à la nécessaire synthèse théorique entre les démarches thérapeutiques individuelle et familiale. Oh, bien sûr, il ne peut s’empêcher, de temps à autre, de s’adonner au pêcher mignon que constitue la parlure jargonesque, notamment quand il nous affuble de ce concept qui tue : le « monoïdéisme panpulsionnel » (?!?). Mais que voulez-vous, on ne se refait pas ! Mais ce n’est pas là l’essentiel du texte, bien au contraire. Le propos est clair et bien écrit. La démarche de thérapie peut s’expliquer par une demande d’aide faite à un moment difficile. Elle se donne pour objectif une meilleure compréhension de soi. Progressivement, émerge pourtant une autre demande implicite : celle qui est faite au thérapeute d’assumer une fonction qui manque inconsciemment au demandeur (fonction paternelle, maternelle, narcissisante, libidinale...). Ce qu’on appelle le transfert. Les lacaniens, explique Jacques Robion, refusent d’interpréter l’inconscient de leur patient, préférant amener ces derniers à élaborer par eux-mêmes. Mais, dans la foulée, ils ont aussi cessé d’interpréter le transfert, laissant le sujet prisonnier de celui-ci et l’empêchant de revenir à sa demande inaugurale. Conséquence : l’analyste « pose un acte correspondant plus à la fonction jugée manquante, qu’à la demande officielle du demandeur » Ce n’est plus à l’individu responsable que le thérapeute s’adresse, mais au prétendu demandeur qui se tapit sous le sujet conscient. Du côté des systémiciens, une évolution notable a eu lieu. Pendant longtemps, ils pensaient que le tout déterminant la partie, il était inutile de s’intéresser au passé de la partie pour obtenir un changement. Ils restaient prisonniers de leur décodage auto-référentiel de la réalité. Aujourd’hui, ils ont compris qu’on ne peut travailler à l’équilibrage du groupe si on ne passe pas aussi par le travail d’équilibrage de chacune de ses sous-parties : « moins un individu se lit, moins il se lie ». C’est pourquoi l’auteur préconise l’instauration d’un véritable contrat familial qui précise l’objectif visé. Car si toute parole est demande, toute demande n’est pas demande de parole. Elle peut relever du registre de la solution à trouver, de la communication à rétablir ou du sens à donner. Cette démarche s’appuie donc sur le respect de la demande. Certes, cela ne signifie pas rester coller à la demande officielle, mais savoir la recadrer en accord avec le plaignant. C’est, en tout cas, renoncer à toute redéfinition qui ne peut que provoquer résistances et échecs et n’être qu’une synthèse psychique opérée à la place de l’autre.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°590 ■ 27/09/2001