L’identité: l’individu, le groupe, la société

Coordonné par Jean-Claude RUANO-BORBULAN, éd. Sciences Humaines, 1998, 416 p.

Ce livre reprend le numéro spécial (n°15) de la revue Science Humaine consacré à l’identité, enrichi d’articles parus depuis 5 ans, ainsi que de documents inédits.
L’identité est d’abord affaire personnelle. Elle s’édifie progressivement tout au long de l’enfance. Mais rien n’est acquis définitivement : au cours de l’existence l’identité s’affirme, évolue, se réaménage par crises et stades successifs. Etre soi-même nécessite de se différencier des autres.
D’où une confrontation permanente au groupe : à la famille d’abord (son folklore et ses rituels qui rattache l’individu à une filiation), à la génération ensuite (on parle de la génération de la résistance, de mai 68 ou de la chute du mur),  à une tribu professionnelle encore (qui n’hésite pas à se structurer en réseau de solidarité), sans oublier toutes les références religieuses, sportives et culturelles. En fait, chaque personnalité est largement imprégnée par le discours familial qui lui attribue une place, par l’éducation qu’il reçoit et par les rôles sociaux assumés et affiliations choisies à l’âge adulte.
Le sentiment national, quant à lui,  naît de l’intériorisation des valeurs et des modèles singuliers au pays dans lequel est né l’individu. Avoir été formé dans la même langue, le même système de normes, partager la même vision du monde élaboré dans un creuset institutionnel et culturel identique … tout cela crée un style particulier et original. Pour autant, cette identité partagée ne surgit vraiment  clairement à la conscience que confrontée à d’autres identités. Et c’est bien là le risque que l’on retrouve illustré dramatiquement dans l’ancienne Yougoslavie : “ L’affirmation d’une identité culturelle est toujours en elle-même une source potentielle de conflit, voire de totalitarisme. Une culture imaginée comme ’’authentique’’ se définit par opposition à des cultures voisines en les appréhendant comme radicalement différentes; cette supposition d’altérité équivaut à un principe d’exclusion dont la conclusion logique est une opération de purification ethnique. L’échange interculturel est alors vécu comme un menace pour l’authenticité de l’identité qui est revendiquée ”  (J.F. Bayart p.341). A l’identification à un lieu s’oppose la tradition nomade qui s’appuie sur la mémoire généalogique : “ je suis fils (au sens descendant) de tel ancêtre. ” Cette projection sur laquelle repose la cohésion du groupe permet de se sentir frère même à des milliers de kilomètres de distance.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°456 ■ 01/10/1998