Travailler. La grande affaire de l’humanité

SUZMAN James, 2021, Éd. Flammarion, 474 p.

S’il est un mythe tenace, c’est bien celui de l’homo economicus : nous serions des créatures égoïstes, coincées entre nos désirs infinis et nos moyens limités, contraintes à travailler toujours plus pour produire des richesses et consommer plus de biens. Et pourtant, notre espèce n’a pas toujours accumulé de la nourriture et encore moins de richesse, pas toujours obnubilée par la préservation d’un quelconque rang social. Loin d’être confrontée à la famine et à la sauvagerie, elle consacrait quinze à vingt heures chaque semaine à récolter sa nourriture et à organiser son existence matérielle. Le reste du temps était libéré pour la culture et les loisirs. Cela ne constitue pas un épisode fugace dans ses 300 000 années d’existence, mais … 95 % ! Ce qui en dit long sur sa nature profonde prétendument égotiste. L’usage de la cuisson de la viande et des légumes, rendus plus digestes, favorisa la croissance du cerveau. La pratique de la chasse par épuisement du gibier, poursuivi sur de longue distance, a favorisé la socialisation et l’émergence du langage. Mais, il est une invention qui changea tout : l’agriculture et l’élevage contraignant au travail. Passant du rendement immédiat au rendement différé, les stocks accumulés et la sédentarisation ouvrirent la voie à la prise du pouvoir par l’élite, le farouche égalitarisme longtemps dominant laissant la place à la hiérarchisation et aux inégalités.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1307 ■ 14/12/2021