Justice et femme battue. Enquête sur le traitement judiciaire des violences conjugale

DIEU François & SUHARD Pascal, L’Harmattan, 2008, 130 p.

Il est difficile à admettre que le couple qui constitue cet espace sacré de l’intime qui devrait permettre à chacun de se construire et de s’épanouir en toute sécurité, se transforme en un lieu de brutalité et de sévices. Pourtant, de la pression psychologique aux menaces verbales, du chantage affectif aux agressions physiques et sexuelles, les conflits conjugaux dérapent pour 9,4% des femmes (2000) qui meurent à raison d’une tous les quatre jours (2005). « La violence au sein du couple nous touche de si près, que la plupart des réactions aux récits qu’en font les victimes paraissent excessives, soit dans le sens d’une banalisation inacceptable, soit dans le sens d’une médiatisation exagérée » (p.13). D’où l’intérêt de cette étude qui nous propose un regard distancié mais fort bien renseigné, réalisé à partir de 278 dossiers pénaux sélectionnés dans le Tarn. S’agissant des seuls faits enregistrés et d’un périmètre géographique limité, on ne saurait généraliser les résultats obtenus. Comme il n’est pas question de simplifier les causes de cette violence, en la réduisant à une explication unique. Le noyau familial est le réceptacle de pulsions violentes induites autant par des antécédents individuels, que par des conditions de vie précarisées et certaines conceptions des relations entre les hommes et les femmes. Pour autant, un certain nombre de constantes sont apparues, permettant de mieux comprendre la genèse des mécanismes à l’origine de ces manifestations destructrices. Premier constat : si les milieux défavorisés sont sur représentés, la violence conjugale est loin d’être l’apanage de ces catégories socioprofessionnelles. La seconde remarque porte sur le créneau d’âge : c’est plutôt entre 25 et 45 ans que cela se passe, soit dans une période de la vie où se cumulent tous les moments clés de la vie. Troisième élément notable, les deux facteurs de fragilisation émergeant : la précarité financière de la victime (qui en moyenne nationale est à 98% féminine) et la grande dépendance affective de l’agresseur (ses failles narcissiques, sa fragilité et son sentiment d’impuissance constituent les soubassements de son agressivité et sa volonté de contrôle). Quatrième point : l’agressivité qui monte est liée à des circonstances périphériques, tel l’alcool qui libère les tensions et l’impulsivité, mais qui constituent un effet grossissant plus qu’une cause. Enfin, la violence conjugale va bien au-delà du couple, affectant notamment les enfants. Les auteurs détaillent ensuite longuement la réponse pénale, en prenant soin de montrer comment l’alternative aux poursuites (rappel à la loi, injonction thérapeutique, médiation) n’est pas identifiable à un quelconque laxisme.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°927 ■ 30/04/2009