Baffer n’est pas juger. La justice des mineurs

Jean-Pierre Rosenczveig avec Olivier Mazerolle, Plon, 2007, 244 p.

Le petit juge de Bobigny rendu célèbre par l’oukase lancé contre lui, par notre Président de la République, quand celui-ci n’était encore que ci-devant ministre de l’intérieur, témoigne de son métier et de ses convictions dans un livre d’entretien qu’il a accordé au journaliste Olivier Mazerolle. Il ne se contente pas de moucher Sarkozy, en démontrant que ses propos accusateurs s’abreuvent à un juridisme douteux qui fait penser que ce Monsieur a obtenu son diplôme d’avocat dans un paquet de Bonux. Il démontre comment on peut être profondément épris des droits de l’homme en général et ceux de l’enfant en particulier, sans se perdre dans une douteuse utopie anti-répressive. « Il n’existe pas de démarches éducatives sans contenu de répression, puisqu’elle impose une contrainte à celui qui en est l’objet, et il n’y a pas de contrainte qui n’ait une valeur éducative, c’est à dire qui vise à empêcher la réitération d’un acte » (p.60) Oui, Jean-Pierre Rosenczveig emprisonne des mineurs. Oui, il utilise la sanction comme un moyen. Mais c’est sans jamais renier la certitude selon laquelle l’éducation doit toujours être le premier réflexe. La répression est nécessaire, mais elle ne peut être l’unique finalité. Si c’était le cas, cela fait longtemps que le crime aurait disparu. Ce n’est pas le laxisme de la justice que l’auteur dénonce, mais l’effondrement des moyens éducatifs : 20 éducateurs et une assistance sociale au tribunal de Bobigny, il y a moins de vingt ans, 13 aujourd’hui ! Et la large distribution des habilitations à mener des enquêtes et à dresser des procès verbaux accordée à des policiers sans grande expérience qui interviennent de manière inadéquate entraînant une inflation de nullité de procédures. Et le faible taux d’élucidation d’une police, la quasi-totalité des affaires jugées l’étant suite à des dénonciations ou des flagrants délits. D’où vient cette appétence à contester et à témoigner ? A ses débuts, le jeune juge aux cheveux longs et en sabot, militant au syndicat de la magistrature, s’interroge sur son choix de poste. Il ne se voit pas se soumettre à une hiérarchie (il ne demandera donc pas le parquet). Sa scoliose ne lui permet pas de rester tout le temps assis (il ne sera pas juge du siège). Il ne supporte pas la vue du sang (il ne se voit pas juge d’instruction, exhumer les cadavres ou se présenter sur les scènes de crime). Finalement, la justice des mineurs, qui vise plus à transformer la personne qu’à sanctionner un acte, convient d’autant à ce chevalier blanc qu’elle est à la pointe du débat social. S’inscrivant dans la lignée du juge Magnaud qui relaxa une mère de famille en 1898, inculpée après avoir volé un pain pour nourrir ses enfants ou du juge Casanova qui refusa en 1972  de condamner une jeune fille de 15 ans qui avait avorté, le juge Rosenczveig n’est pas prêt de rentrer dans le rang.

 

Jacques Trémintin ■ LIEN SOCIAL ■ n°869 ■ 24/01/2008