Les salauds de l’Europe. Guide à l’usage des eurosceptiques

QUATREMER Jean, Ed. Calmann Levy, 2017, 316 p.

Comment s’y retrouver entre europhobes et europhiles, aux argumentations respectives trop souvent doctrinaires ? En lisant ce livre qui, refusant de tomber dans l’adulation pas plus que dans la diabolisation, fait justice d’un certain nombre d’idées reçues, tout en confirmant certaines vérités. Si bien des forces politiques nationales s’attribuent l’origine des succès obtenus, sans préciser que c’est grâce à la participation de l’Union européenne, elles n’hésitent pas à renvoyer vers Bruxelles la source de leurs échecs, alors même qu’elle n’est pas toujours concernée. Il faut reconnaître que cette institution prête le flanc à la critique. La construction communautaire est un processus long, lent, complexe, fragile et imparfait ayant progressé à travers la succession de traités et de compromis insatisfaisants. L’institution fonctionnant comme une instance intergouvernementale, non comme une fédération. Chaque État nomme ses représentants dans toutes les instances, le parlement ressemblant plus à une addition de 28 parlements nationaux parlant 23 langues qu’à une vraie représentation du peuple européen. Ce déficit de démocratie est criant quand on regarde fonctionner la technocratie bruxelloise composée de fonctionnaires dont la porosité avec les lobbyistes est très loin d’être étanche. L’Union est dirigée par des gens qui ne savent pas ce qu’ils font et font ce qu’ils ne comprennent pas, affirme avec force l’auteur. L’Europe est une Ferrari équipée d’un moteur de 2CV et conduite par 28 chauffeurs qui ne sont pas d’accord avec la direction à prendre, poursuit-il. Cette lucidité permet à Jean Quatremer de réduire à néant d’autres accusations. Non, l’Europe n’est pas ultra-libérale, ses règlementations, sa monnaie unique et la solidarité entre régions riches et pauvres démontrant qu’on se rapproche bien plus d’une économie planifiée que du laisser faire. Non, tout ne se décide pas à Bruxelles, les États gardant la haute main sur les secteurs ne faisant pas partie des compétences de l’Union. Non, l’Europe n’impose pas sa tyrannie. L’union n’existe que par le consentement permanent des États le composant qui contrôlent étroitement ce qui s’y passe, n’acceptant de partager leur souveraineté que dans les domaines où l’action commune est plus efficace. Il suffirait qu’un seul gouvernement ne joue pas le jeu pour que tout s’arrête. Au final, en créant un espace de paix et de coopération, l’Europe fait rêver bien des peuples, sauf ceux qui en font partie. S’il faut effectivement changer l’Union, cela ne pourra se faire qu’avec ses membres.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1251 ■ 14/05/2019