Handistar 2002 - Carentoir (56)

L’été est propice aux festivals qui ont poussé à travers toute la France comme les champignons après l’orage. Le secteur du travail protégé sait aussi faire la fête : la Ferme du Monde vient de le démontrer.

Avril 1996 : le parc de la Ferme du Monde ouvrait ses portes. Janvier 1997, Lien social (n°379) racontait l’histoire de ce CAT du Bois Jumel à Carentoir (56) à qui, une riche veuve avait légué 45 hectares composés de bois, de prairie et d’un magnifique manoir. Seule condition posée pour pouvoir bénéficier de cet héritage : que cette propriété soit utilisée au service des personnes atteintes de handicap. Et l’équipe du CAT d’imaginer un fantastique projet : monter un parc qui exposerait les animaux d’élevage en provenance des cinq continents. Pari réussi : le public afflue. Le seuil de rentabilité était alors fixé à 30.000 visiteurs par an. Il atteint régulièrement les 36.000. Aujourd’hui, la Ferme du Monde continue de tourner avec 15 travailleurs handicapés, et 5 encadrants. Contacté par Disney Land, le CAT y a monté un atelier protégé : 6 adultes handicapés y travaillent en permanence dans l’entretien des espaces verts et les coulisses animalières. Trois d’entre eux ont été embauché directement par le parc de Marne la Vallée. Autre diversification de la Ferme du Monde : la vente d’animaux. Sur les 400 têtes de bétail, c’est entre 80 et 100 petits qui naissent chaque année. Possédant un patrimoine génétique unique en Europe, les acheteurs se pressent pour acquérir les plus beaux spécimens. Et puis, il y a la production culinaire déjà présente (50 tonnes de confiture de lait déjà en 1997), qui s’est enrichie de conserves qui ont largement profité de la présence d’animaux exotiques. Ainsi le Rougaï de Zébu, la Daube de Zébu au curry ou encore le Massalé de cabri sont venus remplir les rayons des épiceries fines. Mais la Ferme du Monde n’allait pas s’arrêter en si bon chemin : le 10 juin 2001 dans une salle polyvalente de Carentoir, se produisait la journée Graine d’étoiles. 130 résidents de CAT et Foyers de vie de Bretagne et des Pays de Loire s’étaient déplacés pour venir applaudir des artistes handicapés amateurs. Chants, danses, musique, théâtre qui sont souvent le support de ces fêtes de fin d’année ou de ces petits spectacles présentés devant les familles devenaient autant de représentations jouées devant un public inconnu. Le dimanche 7 juillet 2002, Graine d’Etoile a laissé la place au festival Handistars. Près de 2.000 personnes s’étaient déplacés à la Ferme du Monde. Une grande scène accueillait plus d’une centaine d’artistes en herbe, en provenance de plus de trente établissements. Ce fut le foyer Piprack d’Auray (56) qui proposa un sketch muet mêlant des acteurs déficients visuels et d’autres, déficients auditifs. Ce fut aussi le foyer Le Jeune de Corcoué-sur-Logne (44) qui produisit le groupe de percussion Tempo. Ce fut encore le foyer occupationnel de Pouancé (49) qui présenta un numéro de dressage de poneys Shetland. Une scène plus petite déclarée ouverte offrait la possibilité aux volontaires de venir s’exprimer à leur guise, sans programmation préalable.  L’accordéon y fit danser les couples une partie de l’après-midi. Ambiance kermesse, buvette, les deux petits trains continuant à faire découvrir le parc à qui le désirait : admirer les moutons à poils et les chèvres à laine, observer la seule chèvre syrienne survivante, détailler les troupeaux de Longhorn, ces vaches que l’on retrouve dans tous les bons westerns ... C’est la fête et une ambiance chaleureuse qui a uni les valides et les personnes porteuses de handicap. Et puis, derrière la scène, un petit village miniature animé par des automates, fabriqué par un agriculteur durant les 25 années de sa retraite. Devenant trop âgé, pour continuer, il l’a cédé à la Ferme du Monde, en échange du versement annuel par le parc d’une somme à l’association Solidarité rurale qui a engagé avec le Burkina Fasso des opérations de coopération. Une solidarité s’est ainsi installée par delà les continents : financer la fabrication, par les forgerons des villages burkinés, de charrettes permettant aux femmes de ne plus porter l’eau (parfois distante de plusieurs kilomètres) ou les autres marchandises sur leur tête. Autre opération lancée avec ce pays : le CAT du Bois Jumel achète des fruits séchés (mangue, ananas, papaye ...) fabriqués par les 250 orphelins et travailleurs handicapés des ateliers de Mabradaga et les utilise pour fabriquer des confitures. La Ferme du Monde entend transformer le formidable essai de ce début d’été 2002. Pourquoi ne pas ouvrir les prochaines années sur deux voire trois journées et offrir aux Cat, ateliers protégés, foyers de vie ou foyers occupationnels l’opportunité de venir présenter leur savoir-faire, leurs productions ? Cela peut continuer à se faire en matière artistique, mais aussi dans les productions les plus diverses. Déjà un CAT de Fougères (35) spécialisé dans le cannage et le rempaillage de chaises était présent et proposait des démonstrations. L’idée est bien de donner un rendez-vous tous les ans à toutes celles et à tous ceux qui veulent se retrouver pour partager un moment fort, mais aussi pour afficher tout ce qu’ils savent faire. Plus que jamais la phrase de Marc Twain s’applique à merveille au dynamisme et à l’enthousiasme de l’équipe du CAT du Bois Jumel : « ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont réalisé ».

 

Contacts : Jean-Yves Hercouët Tél. : 02 99 93 70 70   Fax : 02 99 08 97 72

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°630 ■ 18/07/2002