La communication des IMC

Comment dire quand on a à dire et qu'on ne peut pas dire ?

Certains IMC ont une motricité complètement atteinte, au point qu'ils ne peuvent utiliser le langage. Des êtres dont le corps est ainsi totalement paralysé et qu'une intelligence vive et sensible habite pourtant, peuvent-ils entrer en relation avec les autres, échanger des messages ? Histoire d'un dialogue apparemment impossible.

Communiquer, c'est transmettre et recevoir des informations. C'est là un acte indispensable à la vie en société. Conduire une action, entretenir des relations, mieux se connaître et connaître l'autre... tout cela n'est possible qu'à partir du moment où l'on est en capacité d'échanger. Pour celui qui écrit cet article, pour les lecteurs qui le liront, cela semble facile. Ils partagent une culture commune minimale, ainsi qu'une connaissance de la syntaxe, du vocabulaire et des règles grammaticales qui permettent que le message soit émis et reçu correctement. Ce qui peut apparaître ici comme élémentaire constitue dans certains cas une difficulté extrême. Cela concerne notamment les personnes privées de langage verbal.

On retrouve tout particulièrement ce problème chez les Infirmes Moteurs Cérébraux (voir encadré). Aux complications pathologiques initiales, se rajoutent la dégradation, dès la petite enfance, des possibilités de communication présentes à la naissance.

Comment cela se passe-t-il ? L'annonce du diagnostic d'IMC entraîne une rupture dans la relation privilégiée qui s'était établie entre la mère et son enfant. A la joie d'avoir un enfant se substitue bien souvent angoisse et culpabilité. Les relations de l'enfant IMC au monde se fait sur un mode particulier compte-tenu des limites imposées par son état. L'expérience manipulatrice est réduite. L'enfant IMC est de ce fait dépourvu d'un grand nombre d'informations. Il va falloir combler cette carence en l'aidant à découvrir, à tenir les objets, à les mettre à sa portée, Faire avec lui ce que lui ne peut faire seul. De plus, l'enfant IMC du fait de son immobilité, n'aura, si on ne pense à le changer de place, qu'une vision du monde monotone et restreinte. Il va structure l'espace sur des- sensations incomplètes et inconstantes. Le processus engagé entre les parents et l'enfant sera alors bien souvent limité. L'entourage est dérouté, la compréhension des réactions de l'enfant étant parfois difficilement reconnaissable. L'enfant IMC, gravement handicapé, n'aura pas alors une connaissance concrète et active du monde environnant et, au-delà, de son corps propre et de ses limites. Il va construire son univers, édifier sa personnalité sur des bases différentes de celles d'un autre enfant, différentes certes, mais en aucun cas inférieures. Le respect de ces personnes privées de langage verbal, passe par la communication. Parler ne peut en aucun cas se résumer à une quelconque oralisation. Il n'existe pas de répertoire standardisé pour la communication de la personne IMC privée de langage verbal. Chaque personne a construit son système de communication, il est donc capital d'apprendre à connaître leurs propres moyens d'expression.

Il s'agit tout d'abord des cris et des vocalises que les proches savent souvent fort bien interpréter selon les circonstances : appels, souffrance, satisfactions, mécontentements...

C'est aussi le regard, canal d'expression très intense, qui joue sur toute la palette des sentiments qui vont de la joie à la peur en passant par la tristesse ou l'indifférence volontaire.

C'est encore les gestes et les mimiques, à ne pas confondre avec les mouvements involontaires. Encore, la peau et le toucher : sécheresse du visage produit d'un état de fatigue ou rougeur à l'endroit d'une douleur.

Enfin, l'attitude (corps en extension, agitation extrême, auto-agression...) qui tend à extérioriser un sentiment ou à attirer l'attention de l'autre. Tous ces répertoires sont utilisés concomitamment et adaptés à chaque personne en fonction de son individualité. L'interlocuteur doit faire preuve d'anticipation et d'adaptation. Ses interprétations doivent être adéquates au message émis. Pour ce faire, il les vérifie auprès de la personne attendant son approbation. Plus que jamais confronté à la nécessité d'établir un juste lien entre signifiant et signifié, il faut surtout permettre à chaque être humain d'exister de façon unique et de ne pas tomber dans une généralisation des langages .et comportements. L'apport d'une aide technique, si elle est importante, ne doit pas pour autant effacer ce langage.

 

Les aides techniques

Afin d'essayer d'accroître les possibilités de communication de ces personnes, plusieurs codes ont été mis au point depuis une vingtaine d'années. Pour ceux qui n'ont acquis ni la lecture ni l'écriture, on utilise des images comme autant de pictogrammes représentant l'idée exprimée. Par exemple, le dessin d'un lit correspondra à "fatigué", un cœur à "amoureux", un thermomètre à "malade"... Puis, vient le code à base de symboles qui sont tout à fait arbitraires. Ainsi, "+!!" veut dire : oui, "!" : il faut et "- !!": non.

Le dernier type de code accessible seulement aux personnes possédant un bon niveau de langage écrit, est celui basé sûr les lettres de l'alphabet ou les syllabes. Une fois ces codes établis, reste tout entier le problème des supports à partir desquels ils peuvent être utilisés. Les progrès de la technique ont permis de passer des tableaux-papier à des panneaux électroniques et enfin à des ordinateurs avec, dernier cri, la synthèse vocale.

Mais malgré toutes ces avancées, la communication se heurte à deux problèmes incontournables : d'abord celui des capacités d'apprentissage de la personne, ensuite le temps nécessaire pour retransmettre sa pensée. Dans le meilleur des cas, la personne voit défiler sur son écran, différents signes (images, symboles, lettres, morceaux de phrase...) qu'il lui faudra sélectionner en agissant sur un contacteur (au genou ou à la nuque), dès que le curseur se trouvera en face de l'élément désiré. Mises bout à bout, ces parties formeront un tout, à savoir un texte ou une réponse. Mais ces multiples et longues manipulations demandent énormément de temps. On peut aisément imaginer les délais nécessaires à un dialogue... Et comme le temps est justement ce qui manque le plus aux personnels qui travaillent dans ces établissements, on se heurte alors à une difficulté qui ne relève plus tant de la technique que de la question sociale : que privilégie-t-on, l'élévation de l'être humain ou la "rationalisation des choix budgétaires" ?

Il n'empêche qu'il s'agit là d'un progrès considérable réalisé ces dernières années, l'illustration la plus spectaculaire en étant peut-être le livre de Jacques Guillo.

 

 

L'infirmité motrice cérébrale ne constitue pas une maladie évolutive. Elle n'est pas non plus le produit d'une malformation. Il s'agit en fait de lésions ayant atteint le cerveau avant, pendant et après la naissance et qui laissent des séquelles définitives. La principale conséquence concerne la motricité, appelée "l’athétose", qui provoque des mouvements incontrôlés et désordonnés, présents au repos et s'accentuant lors des mouvements volontaires.

Mais il peut y avoir aussi d'autres implications sous la forme notamment d'épilepsie, de difficultés de comportement ainsi que de perturbations du langage verbal. Ce trouble associé dont il est plus particulièrement question ici, peut avoir pour origine tant une atteinte des muscles sollicités pour la parole (lèvres, langue, larynx...) qu'un retard mental, un déficit auditif ou encore une aphasie.

L'importance et la pluralité des handicaps maintiennent les personnes IMC dans un état de dépendance jusqu'à un âge avancé et même parfois toute la vie.

 

 

Cet article a été rédigé à partir du Mémoire de fin d'étude d'Armelle Kermarrec, Educatrice spécialisée au foyer médicalisé "Menez Rouai" à Dirinon en Finistère.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°304 ■ 27/04/1995