Il est IMC, il ne peut écrire, il ne peut parler

Jacques GUILLO, Auteur

Il est IMC, il ne peut écrire, il ne peut parler. Si vous mettez pitié et solidarité de côté, alors vous pouvez envisager d'acheter son livre : "Signé Jacques". La leçon d'humanité et de courage qu'il contient n'a pas besoin de compassion pour convaincre le... client.

"Je ne veux pas que l'on me considère comme une plante verte ou un légume. Je voudrais que l'on me considère avant tout comme une personne et non comme un handicapé". C'est le cri du cœur poussé par Jacques Guillo. C'est là un credo auquel peuvent se rallier tous ceux qui reconnaissent le droit à l'existence de tout être humain, quelle que soit la différence qui marque l'individu.

Mais de tels propos prennent une résonance particulière quand ils sont tenus par un homme de 33 ans, infirme moteur cérébral, qui ne peut ni écrire ni parler. D'autant que Jacques Guillo ne s'est pas contenté de "dire" cela. Il a voulu aussi en faire un livre ! Utopie ? Illusion ? Rêverie déraisonnable ? Eh bien non, cette aventure extraordinaire finit par aboutir en mai 1993. 500 exemplaires d'un petit opuscule de 96 pages, Signé Jacques, sont édités. Surprise : ils sont épuisés en deux mois ! Mais comment ce miracle a-t-il pu aboutir ? Justement peut-être parce que ce n'est pas un miracle !

Au départ, il y a une technique mise au point en 1940 par Charles Bliss et qui permet de communiquer avec les personnes privées de langage oral. Il s'agit d'un code de 500 symboles répertoriés par couleur (rouge pour les verbes, jaune pour les adjectifs...), le tout regroupé dans des classeurs. La personne handicapée désigne la bonne page et fixe le symbole concerné en guidant son interlocuteur par de petits mouvements de la tête pour l'amener à trouver le bon signe. Chaque mot nécessitera le renouvellement de l'opération.

Dans cette histoire géniale, il y a aussi Cathy Person de l'association Vague d'écrits qui, ayant appris le code "Bliss", sert d'intermédiaire pour mettre en forme le récit de Jacques Guillo. A raison de deux fois deux heures par mois pendant deux ans, les séances "d'animation d'écriture" permettront à l'ouvrage d'avancer (chaque phrase n'étant gardée dans sa version définitive qu'après accord de l'auteur). Il y a encore l'équipe de direction et d'éducateurs du foyer médicalisé Menez-Roual à Dirinon près de Guingamp en Finistère, qui a cru dans ce projet et tout mis en œuvre pour le soutenir. Mais quand on vous dit qu'il n'y a là rien de miraculeux, c'est bien parce qu'en tout premier lieu, ce témoignage est saisissant ! Dans ces pages, on plonge au cœur du vécu d'une personne grabataire dépendante des autres pour tout, qui nous fait vivre ses ressentis et ses actes, ses espoirs et ses déprimes, ses joies et ses peines...

Quand Jacques Guillo parle de son terrible handicap, il est à la fois celui qui hurle sa révolte {"pourquoi suis-je handicapé ?") et celui qui veut "profiter au maximum de la vie". Il veut qu'on le reconnaisse comme une personne adulte méritant respect et considération. Même s'il comprend que chacun puisse passer par des moments difficiles et qu'il ne doit "pas être facile à vivre tous les jours", il ne digère toujours pas l'attitude de certains encadrants dans des établissements où il est passé au cours de sa vie et qui le "rabaissaient plus qu'autre chose".

Comme tout un chacun, Jacques Guillo connaît l'amitié qui parfois lui a fait saigner le cœur quand il a vu partir de jeunes myopathes auprès de qui il vivait et qui, condamnés par leur terrible maladie, se sont dégradés devant lui jour après jour. Mais c'est aussi cette amitié qui l'aide à vivre en se sentant aimé et apprécié pour ce qu'il est.

Comme tout un chacun, Jacques Guillo éprouve des sentiments d'amour, mais souffre de ne pouvoir entretenir de relation physique : "J'aimerais pourtant donner plus de moi-même à une personne : dormir avec quelqu'un, échanger des caresses". Mais cette sexualité des handicapés est encore un sujet tabou.

Pourtant, ne croyez pas que ce jeune auteur passe son temps à se morfondre : il aime les sorties à l'extérieur et apprécie tout particulièrement les soirées en boîte qui lui permettent de se faire de nouvelles connaissances. Comme il se présente dans les premières pages, c'est "un oiseau de nuit".

Jacques Guillo ne veut pas rester en si bon chemin puisqu'il voudrait maintenant concevoir un guide pratique de la vie quotidienne d'un infirme moteur cérébral. L'acquisition d'une commande vocale pour son ordinateur lui permet dès à présent d'être bien plus autonome dans son travail d'écriture. Mais avant de prolonger son expérience d'auteur, il a fait rééditer à 3000 exemplaires son premier texte.

Alors, comme il risque de ne pas y en avoir pour tout le monde, il est recommandé de ne pas tarder pour passer commande. Attention, ici, ce n'est pas le téléthon : il n'y a de place ni pour la pitié ni pour la solidarité, encore moins pour la curiosité. C'est là un document qui ne peut laisser indifférent par le message qu'il transmet et la leçon d'humanité et de courage qu'il donne."Prenons ensemble le temps de dialoguer, de communiquer, c'est si important de prendre le temps". Merci, Monsieur Guillo.     

 

« Signé Jacques », à commander à "Vagues d'écrits" FJT - 2 av. Ken­nedy - 22200 Guingamp, ou à Jacques Guillo - Foyer Menez-Roual Le Stum - 29460 Dirinon.

 

Un foyer où l'on vit
Jacques Guillo vit au foyer médicalisé Menez-Roual. Ce n'est pas là un lieu où sont entasses des adultes handicapés qu'on laisse se dégrader et perdre tous les acquis accumulés dans leur enfance, comme il en existe malheureusement encore un certain nombre. Couplée avec un centre   pour enfants et adolescents eux-  mêmes Infirmes Moteurs d'Origine Cérébral, cette structure s'étend sur une propriété de 66 hectares. C'est un vaste bâtiment inauguré en 1990, qui accueille 45 adultes. Il s'agit ici d'allier la rééducation fonctionnelle avec le : « maintien et le développement des possibilités d'autonomie physique, intellectuelle et relationnelle des pensionnaires. Aux séances de kinésithérapie ou d'orthophonie, succèdent les activités d'épanouissement individuel à base d'informatique, d'esthétique, de piscine et d'équitation.

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°304 ■ 27/04/1995