Un SSEFS en action

Derrière un acronyme énigmatique, une équipe parmi tant d’autres, intervenant auprès d’une déficience sans doute moins familière nous aide à mieux comprendre son travail.

Madame Ripert en témoigne, la prise en charge de son fils Ewenn, n’a pas été chose facile. Entre la détection de ses troubles du langage et la notification de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), il a fallu trois années de consultations aux délais si longs chez des neuropédiatres, neurologues, orthophonistes … « C’est à partir de la grande section maternelle qu’une Aide à la vie scolaire a pu intervenir quinze heures semaine ». En CE2, la même MDPH décide l’intervention d’un service spécialisé. Six mois d’observation permettront d’identifier les besoins et de proposer une heure d’orthophonie et autant en psychomotricité et soutien psychologique par semaine. Mais, le combat a continué : « il a fallu que plusieurs parents se mobilisent pour obtenir l’ouverture d’une ULIS (Unité localisée pour l'inclusion scolaire) en collège. Le rectorat nous proposait une solarisation ordinaire. » Aujourd’hui âgé de 15 ans, Ewenn a fait des progrès impressionnants. Même satisfaction pour la maman d’Aliya, âgée de 9 ans, atteinte de surdité profonde. Madame Mokelleche décrit les appréhensions des enseignantes, à chaque début d’année scolaire. Mais, avec les implants cochléaires équipant son enfant, le micro utilisé par la maîtresse et l’initiation au langage-parlé-complété assuré auprès des copines par la codeuse sur la pause méridienne,  aussi présente six heures par semaine en classe et une heure à la maison … voilà de quoi rassurer tout le monde et permettre une véritable inclusion scolaire.

Bienvenu au SSEFS (Service de Soutien à l'Education Familiale et Scolaire) de Saint Nazaire !

 

Quelle configuration ?

Madame Krebs, psychologue du service décrit avec précision les deux déficiences prises en charge : « la surdité moyenne à profonde, ainsi que les troubles spécifiques du langage et des apprentissages. Un quart des enfants souffrent de troubles associés (déficience motrice ou visuelle, trouble du spectre autistique) qui sont gérés en interne ou en articulation avec d’autres SESSAD. » Orthophonistes, ortoptiste, ergothérapeute, médecins, psychomotricienne, psychologue, professeur de langue des signes, assistante sociale, éducatrice spécialisé, éducatrice de jeune enfant, codeuse, secrétaire, chef de service et directrice se côtoient au quotidien. Enfin se côtoient … se croisent, devrait-on plutôt dire ! Certes, l’équipe se retrouve chaque semaine en réunion de service et bénéficie d’analyse de la pratique. Et les professionnels concernés participent à une synthèse et coconstruisent avec la famille et l’enfant son projet personnalisé. Mais, le reste du temps, les intervenants circulent dans l’ouest du département à la rencontre des enfants, des adolescents et des jeunes adultes (puisque l’agrément va de 0 à 20 ans) sur leur lieu de vie en général et dans leur établissement scolaire respectif, en particulier. Difficile de décrire l’action de toutes les disciplines professionnelles à l’œuvre. L’une d’entre elles nous est illustrée par Isabelle Leduc, la psychomotricienne du SSEFS : « j’assure d’abord des prises en charge individuelles de quarante-cinq minutes. Dans le cadre de la surdité, j’interviens régulièrement sur les troubles de l’équilibre (quand l’oreille interne ne joue pas son rôle) ou encore sur le repérage dans le temps et dans l’espace (quand le langage ne permet pas de se repérer). Face aux troubles du langage, je travaille sur l’organisation du geste, l’orientation du corps dans l’espace et le repérage dans le temps. II s’agit aussi de redonner confiance en eux à ces enfants qui savent bien expliquer leurs carences, mais pas leurs compétences. Cela passe par la réappropriation du plaisir tant à apprendre qu’à jouer. » La rééducation individuelle est complétée par un travail collectif regroupant par exemple six enfants qui, isolés dans leur scolarisation, peuvent ainsi mesurer qu’ils ne sont pas seuls dans leurs difficultés. Sans oublier les ateliers de relaxation et de jeux de société, proposés pendant la pause méridienne dans les écoles dotées d’ULIS, menés de concert avec l’éducatrice spécialisée du service.

 

Du côté de l’école

Les ULIS, parlons-en justement avec Françoise Trousseau, enseignante coordinatrice, partenaire privilégié du SSEFS. Elle excelle dans l’art du compromis : d’un côté des enseignants de collège, de l’autre des intervenants spécialisés répondant aux besoins spécifiques des élèves. Il faut choisir quel apport prioriser dans l’emploi du temps. Quadrature du cercle que cette posture d’interface qui cherche à contenter tout le monde ! « Il y a des profs qui sont gagnés d’avance et d’autres qui restent très réticents, refusant de réduire leur degré d’exigence et dénonçant un enseignement au rabais qui ne ferait que figer l’élève dans ses difficultés. Et puis, il y a ceux qui évoluent, adaptant leur cours aux difficultés d’apprentissage constatées. » Si les interventions du SSEFS ont pu être perçues comme intrusives, elles sont de mieux en mieux acceptées, leur utilité étant démontrée quand elles permettent, par exemple, d’améliorer les gestes graphiques, d’apaiser l’agitation, de faire face aux postures d’effondrement ou d’agir sur les troubles de concentration. Avec parfois des moments forts, à l’image de ce groupe d’élèves d’un atelier de théâtre décidant de lui-même d’intégrer une partie signée dans leur représentation. Françoise Trousseau le constate chez les douze élèves de son ULIS : « il y a une vraie plus-value entre ceux qui sont accompagnés par le SSEFS et ceux qui n’ont aucun suivi. » La durée de ces suivis dans le temps est liée au caractère évolutif ou pérenne du trouble. Mais, même quand l’accompagnement prend fin, une vigilance à trois ans est assurée, comme le prévoit la loi. La famille est contactée systématiquement chaque année, pour faire le point sur la situation.

 

Le tableau positif dressé ici s’assombrit, dès lors où l’on aborde les délais d’admission : « entre 18 mois et deux, voire trois ans » explique madame Deres, chef de service, qui précise néanmoins la priorité donnée aux plus jeunes, pour éviter l’aggravation de leur trouble. « Quand les familles finissent par obtenir une notification MDPH, elles se présentent chez nous avec l’espoir de bénéficier enfin d’un accompagnement. Nous sommes obligés de les inscrire en liste d’attente. » Le SSEFS de Saint Nazaire est agréé pour cinquante places. Mais, face au nombre de demandes qui affluent, la situation ne fait que s’aggraver. Comme le reste du secteur socio-éducatif et médico-social, la carence de personnels se fait en outre sentir, poussant à passer convention avec des professionnels en libéral. Un service qui s’avère indispensable et qui souffre d’une véritable pénurie de moyens.

 

APAJH 44

Le SSEFS de Saint Nazaire créé en 1996 est l’un des services de l’APAJH de Loire Atlantique (Association Pour Adultes et Jeunes Handicapés). L’association, forte de quatre cents salariés, accompagne 1 500 personnes porteuses de handicap. Le plateau de compétences proposées est très large, ouvert tant aux enfants qu’adultes, proposant autant des accueils en instituts qu’en intervention en milieu naturel ou en insertion.

 

Jacques TrémintinLIEN SOCIAL ■ n°1316 ■ 19/04/2022

 

A suivre le 11 août : Interview de Viltard Thomas - SESSAD