On n’arrête pas le progrès !
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dans Billets d'humeur
Il est des inventions, en apparence pratiques, qui marquent l’incongruité d’une époque. C’est le cas pour cette offre commerciale qui facilite l’art d’être parent.
Vous avez aimé cette puce GPS qui équipe votre animal préféré, vous permettant ainsi de le repérer s’il fugue ? Vous allez adorer cette montre connectée utilisable dès 5 ans. Elle vous aidera à géolocaliser votre enfant. Le fabriquant n’a pas encore pensé à la doter d’un mécanisme de décharge électrique pour rappeler à l'ordre s’il s’éloigne du chemin convenu. Cela a pourtant montré son efficacité avec ces colliers anti-aboiement pour les chiens un peu trop bruyants. Gageons qu’une telle suggestion fera son chemin.
Trêve d’ironie … crevons l’abcès. Une étude britannique datant de 1919 a établi qu’il y a une cinquantaine d’années, la plupart des enfant âgés d’une dizaine d’années pouvait circuler librement dans un périmètre de dix kilomètres autour de leurs parents. Il leur arrivait de partir des heures, tout en revenant à celle qui leur avait été fixée. De nos jours, l’espace dans lequel ils peuvent évoluer librement ne dépasse 300 mètres autour de leurs géniteurs ! En cause ? L’appréhension qu’il puisse leur arriver malheur. L’expression « enfant d’intérieur » a même été créée, en 2006, pour désigner la sédentarité de ces mômes contraints à rester cloitrés « pour leur sécurité ».
Ils sont appelés « hélicoptères », ces parents qui planent au-dessus de leur enfant, le surveillant, le contrôlant et le surprotégeant. Il faut lui épargner tout risque, tout danger et tout péril qui pourraient le menacer. Il ne doit rien lui arriver. Il ne doit pas rencontrer de problèmes. Il ne doit pas croiser de mauvaises personnes. Alors ils le pistent, ils vérifient ses moindres faits et gestes, ils inspectent ses allers et venues. Voilà que la technologie leur vient en aide. Ils sont enfin en paix, rassurés et en sécurité.
Pourtant, n’est-ce pas là confondre l’éducation avec l’étouffement, l’autonomisation avec l’asphyxie et la responsabilisation avec l’immobilisme ? Car, ce dont a surtout besoin un petit d’Homme c’est de faire ses propres expériences, de tomber et de se relever, d’avancer vers l’inconnu, d’affronter des épreuves. En un mot comme en cent, de vivre. Mais quel parent s’autorisera à lui « lâcher les baskets » ? Il lui faudra pour cela affronter la culpabilité morale de manquer à la protection et la stigmatisation sociale de ne pas assurer la nécessaire surveillance qui lui incombe.