En promotion, cette semaine

J’avais cherché par curiosité, il y a de cela quelques années, à connaître le nombre de méthodologies psychothérapeutiques différentes existantes. J’avais trouvé le nombre de 250. Ce qui faisait déjà à l’époque un peu beaucoup, quand même. La même recherche récente sur internet m’a informé que cette diversité dépassait les 500. Il est possible d’imaginer qu’il puisse s’en créer non pas une chaque jour (il ne faut pas exagérer non plus), mais presque. Que penser de cette abondance ?

Commençons par nous en réjouir, en nous félicitant de la créativité intellectuelle et de l’ingéniosité dont fait preuve l’espèce humaine dans sa capacité à décrypter la souffrance psychique pour mieux tenter de l’accompagner, voire de la guérir. Mais « consulter » n’est-il pas devenu, pour certaines personnes, une mode très en vogue ? Si bien des patients en ont besoin et ressentent un authentique changement en le faisant, d’autres le font par convention sociale. Il est très bien vu d’aller voir son psy, comme on va chez son coiffeur, que l’on porte des vêtements à la mode du moment ou que l’on passe ses vacances d’hiver à Courchevel. Cela coûte cher, mais cela démontre que l’on est de son temps. Psy = coutume de riches ? « Y’a pas de suicide au Sahel / Pas de psychiatre en plein désert » chantait Jean-Jacques Goldman en 1984, dans « Petite fille ».

Mais allons un peu plus loin, en nous interrogeant sur cette multiplication de schémas explicatifs et interprétatifs que nous proposent ces 500 et plus thérapies. Elles sont toutes des plus séduisantes et convaincantes, nous expliquant doctement comment nous fonctionnons mentalement, nous garantissant de réussir à percer à jour les raisons pour lesquelles nous nous sentons mal et nous apportant enfin les solutions pour nous sentir mieux. Leur multiplicité nous laisse un grand choix pour trouver la technique qui nous convient le mieux. Quand un marchand de literie nous fait volontiers « essayer » la densité du matelas qui nous convient le mieux ou lorsque l’opticien nous fait chausser différentes paires de lunettes nous permettant de retenir celle qui nous sied le mieux, en serait-il de même avec les thérapies ?

« Bonjour Monsieur, bonjour Madame, aujourd’hui nous pouvons vous proposer l’ « Analyse Duchmol » qui vient juste de sortir. Nos clients en sont très satisfaits. Elle est au top de nos ventes. Vous pouvez aussi préférer les classiques qui en se démodent pas : l’« Approche Bidule » ou l’ « Entretien Truc » qui ne déméritent pas. « C'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures » n’est-ce pas ! hé, hé , hé ,hé ! Ah, vous souhaiteriez la « Cure Machin » ? Je vais aller voir si nous en avons encore en stock. Vous savez cela fait longtemps qu’elle ne nous a pas été demandée. Sans vouloir vous influencer, je peux aussi vous proposer la « Communication Recette » qui est actuellement en promotion, mais seulement jusqu’à la fin du mois … Oui, je comprends, vous allez réfléchir… Permettez-moi, néanmoins de vous laisser notre catalogue… »

De quoi une telle profusion est-elle le nom ? Répondre à cette question renvoie d’abord à un mal-être qui s’étendrait dans notre société, comme une traînée de poudre. La dégradation des conditions de vie, le stress au travail, l’ambiance délétère où règne la polarisation, la montée de l’intolérance et de l’exclusion… bien des facteurs peuvent expliquer le besoin d’aller consulter. Mais, à l’inverse, n’y aurait-il pas une dérive consistant à convaincre chacun(e) d’entre nous que nous avons inévitablement été victime d’un traumatisme qu’il faudrait détecter à tout prix, pour aller mieux ? Le symptôme des faux souvenirs largement exploité aux USA dans les années 1980 devrait nous inciter à la vigilance. Certains thérapeutes se sont alors mis à chercher (et forcément à trouver) les traces de traumatismes enfouis. Orfèvres en manipulation mentale, ils ont créé de toutes pièces des récits de vie totalement fictifs. Ce qui n’invalide nullement les récentes découvertes sur la mémoire traumatique (qui se réveille des décennies après l’agression), mais incite juste à la prudence et à la nuance.

Bien sûr que les thérapies remplissent un rôle potentiellement bienfaiteur. Pour autant, il faut peut-être s’interroger sur les limites à la prise en charge de l’inconfort mental. Jusqu’à quand se sentir inquiet, anxieux, mélancolique relève-t-il des aléas de la vie qu’il faut assumer ? Et à partir de quand cet état est-il suffisamment perturbant pour aller consulter ? La réponse appartient à chacun(e) tant pour soi-même que pour autrui. Il existe des hypocondriaques de la psyché, tout comme des personnes encombrées de souffrance mentale incessante refusant obstinément de faire appel à un psy.

 

Au final, que penser de ces psychothérapies ? Rappelons simplement cette étude de l’INSERM datant de 2004 qui avait conclu à l’équivalence de bien des méthodes thérapeutiques. Elle insistait sur l’importance de la relation. Le plus important ne résidait pas dans la démarche conceptuelle explicative, ni dans les méthodes employées pour cheminer mais dans la relation de confiance entre le thérapeute et son client. L’essentiel ne serait-il pas dans la conviction que l’on se fait d’avoir trouvé la bonne approche ? Auto persuasion, autosuggestion, méthode Coué… « Peu importe que le chat soit noir ou blanc pourvu qu'il attrape les souris » dit le proverbe. Après tout, si cela permet de se sentir mieux, quelle importance ? Le narratif construit au cours de la thérapie importe peu. Ce qui compte avant tout, c’est d’être écouté avec bienveillance et non-jugement, d’être pris en compte dans son mal-être et de se sentir soutenu … du moment toutefois de ne tomber ni sur des charlatans, ni sur des dérives sectaires …