Rien n’est perdu
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dans Billets d'humeur
Avec 35 % d’intention de vote pour le RN, il n’y a pas de doute : 1/3 des personnes que je croise dans la rue adhèrent aux messages de lutte pour la préférence nationale : glaçant !
Je cherche à les identifier, ces personnes qui professent des valeurs aux antipodes des miennes : dans leurs propos, dans leurs réactions, dans leurs mimiques. Et je ne les vois pas.
Accompagnant trois jeunes migrants africains dans leurs démarches d’insertion, je guette, j’épie, je surveille. Ce sont des blacks pur jus, parlant difficilement le français qu’ils apprennent à une vitesse impressionnante, après être arrivés depuis quelques mois à peine. C’est vrai qu’ils maîtrisent déjà trois ou quatre langues.
Je m’attendais à quelques signes d’hostilité. Et puis, rien !
L’un veut faire du basket. Il est le seul black de l’équipe. Les autres jeunes l’intègrent aussitôt, se montrant bienveillants et accueillants à son égard.
L’autre doit s’acheter des chaussures de sécurité : la commerçante échange avec lui, insistant pour que ce soit lui qui s’explique plutôt que son accompagnateur. A l’issue de la transaction, elle lui fait 10 % de remise.
Un troisième cherche un stage de découverte du monde du travail. Un grand garage signe sa convention, sans barguigner.
Les trois déambulent dans le forum local des associations, au mois de septembre. Ils s’intéressent plus particulièrement aux stands sportifs. L’accueil est à chaque fois chaleureux. Certains bénévoles se mettent en quatre pour communiquer en anglais, langue pratiquée par les trois jeunes. Aucune réflexion, aucun regard de travers, aucune hésitation.
Quittons ces trois jeunes et tournons-nous vers l’Aide sociale à l’enfance. Ce jour-là, elle fête dans ce département les succès obtenus dans l’année par les jeunes pris en charge. Les ¾ des visages sont blacks. Ainsi, ce Conseil départemental, bien marqué à droite, félicite des mineurs non accompagnés présents sur le territoire depuis peu. Et puis cette association départementale d'entraide des personnes accueillies en protection de l'enfance, toujours sur le même territoire, généreusement dotée financièrement par la collectivité : elle est composée à 80 % de jeunes étrangers.
Où est la xénophobie ? Où est la discrimination ? Où est le rejet de l’étranger ? Ce qui semble l’emporter, c’est l’indifférence : à la couleur de peau, à la nationalité, à la langue parlée. Ce sont des enfants, avant tout.
Je reprends d’autant plus espoir que les citoyens engagés dans l’aide et l’accompagnement des migrants sont légions. Certes, selon un sondage révélé par le journal Libération du 30 octobre, 54% des personnes interrogées pourraient glisser un bulletin d'extrême droite. Mais, sur le terrain, cette tendance est loin de ressembler au raz-de-marée que cela pourrait faire croire.
Bien sûr, je vais être échaudé. Des incidents ne manqueront pas de survenir qui viendront refroidir mon enthousiasme. Mais faut-il toujours qu’un arbre vienne à cacher toute la forêt ?