Un os dans le potage?
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dans Billets d'humeur
Le 10 décembre était anniversaire de la signature de la Déclaration universelle des droits humains. Certes, les 58 Etats qui la signèrent en 1948 ne firent que la proclamer, pratiquant quasiment tous le colonialisme, la tyrannie communiste ou la discrimination raciale. C’est-à-dire faisant exactement le contraire que ce qu’ils revendiquaient alors. Mais bon, passons, c’est là quand même une date charnière où un principe essentiel, aussi peu respecté soit-il, a été proclamé.
Amnesty International choisit chaque année cette date pour lancer son opération « Votre signature change l’histoire ». Il s’agit de signer massivement des pétitions pour faire pression sur les gouvernements qui s’attaquent à ces fameux droits humains. Il est vrai que du travail, il y en a. Et face à la montagne qu’Amnesty semble attaquer à la petite cuillère, il y aurait de quoi se décourager. Et pourtant, il y a des victoires. A l’image de cette journaliste russe Alexandra Skotchilenko emprisonnée pour avoir osé s’opposer publiquement à la guerre en Ukraine. Elle a été libérée. Osons croire que les 600 000 signatures adressées aux autorités n’y ont pas été pour rien. Mais aussi Magai Matiop Ngond, condamné à mort au Soudan, après un procès inéquitable, qui a vu sa peine annulée et a été libéré après 4 ans de prison. 765 000 signatures étaient venues réclamer cette révision. Sans oublier Neth Nahara, emprisonnée en Angola pour avoir osé critiquer son président. Elle a été graciée, les 550 000 signatures venant pousser à cette décision. Belles victoires non seulement pour eux, mais aussi pour les centaines de milliers d’anonymes qui ont cru dans le pouvoir de leur signature.
Cette année, ils sont journaliste, avocat, chanteur, défenseurs de l’environnement à avoir été choisis. Il faut signer massivement pour obtenir leur libération et la fin des persécutions dont ils sont victimes. Pourtant, il est une pétition que je ne signerai pas, c’est celle intitulée « Reprendre le terrain : la lutte pour les droits des femmes musulmanes dans le sport ». Il s’agit, en fait, d’obtenir que ces dames puissent arborer le signe de leur religion sur les terrains de sports (un « couvre-chef sportif »), ce que les fédérations sportives interdisent jusqu’à présent. Selon Amnesty, cette interdiction aurait « des conséquences graves sur la santé physique et mentales des femmes ». Allons donc, pratiquer du sport la tête dénudée serait dangereux pour la santé ? Ça se saurait ! Bien des sportives et sportifs attraperaient un rhume de cerveau, si c’était le cas. Quant aux difficultés psychologiques inhérentes à l’absence de couvre-chef, elles justifient plus d’une thérapie que d’une autorisation de porter un tel accoutrement !
Au-delà de l’argument sanitaire, intervient le principe l’exercice des droits à pratiquer un culte. Moi le mécréant, je serais le premier à signer une pétition pour autoriser une mosquée, une synagogue ou une église, si l’une ou l’autre s’était vue refuser son édification, pour des raisons discriminatoires. Si le droit d’exercer sa religion est un droit à revendiquer et à protéger, je suis convaincu qu’il est des lieux qui doivent préserver leur neutralité. Les espaces sportifs en font partie.
Si un antispéciste se présente avec un tee-shirt revendiquant la fin de toute consommation carnée, son droit à le faire doit être préservé. S’il se pointe ainsi au salon des bouchers, il risque de se faire chahuter. Mais c’est son opinion. Il doit pouvoir la défendre. Dans une pratique sportive, on l’invitera gentiment à ne pas s’afficher ainsi. Ce n’est pas le lieu pour le faire !
Si un militant anti-nucléaire veut protester contre la construction d’une nouvelle centrale en l’arborant sur son vêtement, sa prise de position pourra créer le débat sur son passage. Mais il doit pouvoir être libre de le faire. S’il se présente ainsi à un entraînement, il sera légitime de lui faire comprendre que ce n’est pas le lieu pour le faire.
Si un partisan de Jordan Bardella enfile un tee-shirt à l’effigie de son champion, il est libre de le faire. Il doit pouvoir s’exprimer sans être menacé, ni empêche de manifester son opinion. Mais, au stade, il sera normal qu’on lui demande de se changer … parce que ce n’est pas le lieu pour étaler ses convictions.
Jusqu’à présent, ni les antispécistes, ni les anti-nucléaires, ni le RN n’ont jamais revendiqué le droit de pouvoir d’arborer leurs opinions personnelles lors d’une activité sportive. Pourquoi faudrait-il le faire avec une religion quelle qu’elle soit ? Donc, ni kippa pour les juifs, ni croix autour du cou pour les chrétiens, ni substitut du voile pour les musulmans. Il faut leur garantir la possibilité de les afficher publiquement. Mais pas dans les enceintes sportives. Non, parce qu’il s’agirait de leur interdire de pratiquer leur religion, mais parce que ce n’est pas le lieu pour le faire. Pourquoi pas une discrète petite étoile de David, une main de Fatma ou un symbole du christ au bout d’une chaîne portée au cou ? Cela leur permettrait de se rassurer quant à leur foi, sans que cela ne vienne s’étaler aux vu des autres…
Assimiler le refus de tout signe religieux à une atteinte aux droits humains me semble très abusif, dès lors où le choix est de préserver la neutralité d’un terrain de sport ! J’ai souvent pensé à me faire imprimer sur un tee-shirt la bonne nouvelle annoncée par le philosophe Nietzsche : « Dieu est mort. » Par respect pour les croyants que je ne veux pas offenser, je ne le ferai jamais. Pourquoi certains d’entre eux voudraient-ils imposer leur croyance aux yeux des autres sur un terrain de sport ? Ultime mauvaise humeur de ma part : qu’Amnesty international mette sur le même plan le droit de mettre un fichu sur sa tête et le droit de ne pas la perdre sa tête me semble particulièrement indécent.
Mais foin de polémique, cher lecteur, il faut foncer pour signer les pétitions de cette belle association ! Et celle sur la possibilité pour les femmes musulmane de porter un couvre-chef, si c’est ta conviction.