De la fierté à la honte
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dans Billets d'humeur
Ils ont aujourd’hui respectivement 27 et 28 ans. L’un est devenu co-gérant d’un restaurant de la gastronomie de son pays. L’autre vient de créer son entreprise de chauffage sanitaire. Ils font partie de ces enfants pris en charge par une Aide sociale à l’enfance qui les a soutenus dans un moment particulièrement chaotique de leur existence : Ejaz et Hamza ont quitté leur Pakistan natal au milieu de leur adolescence. Après un trajet parsemé d’embuches, ils sont arrivés en France. Placés en famille d’accueil pour l’un, en foyer pour l’autre, ils ont été suivis avec bienveillance et constance par des professionnels répondant à leurs besoins. Partout, où ils sont passés, ils ont impressionné les éducateurs, les enseignants et les employeurs par leur valeur morale et leur détermination à bien faire, leur investissement et leur volonté, leur maturité et leur sagesse. Arrivé avant 15 ans, l’un a pu acquérir la nationalité française, l’autre qui avait alors 16 ans n’y a pas eu droit. Mais il a tant excellé dans la persévérance, qu’il a pu prolonger d’année en année sa carte de séjour. Pour ces deux enfants, le travail d’accompagnement a été fait, comme il se devait. Quelle chance pour notre pays de s’enrichir de deux personnalités entreprenantes qui irradient leur entourage, diversifient notre culture et dynamisent notre économie. Mais, pour deux mineurs non accompagnés accueillis avec dignité et honneur, combien d’autres sont abandonnés, trahis, rejetés. Eprouvés physiquement, mentalement, émotionnellement par les épreuves d’un exil aux mille dangers, les voilà confrontés à la rue, à la violence et la déperdition. Notre société ne leur laisse-t-elle alors d’autres alternatives que la prostitution, la drogue ou la délinquance, pour survivre ? La déchéance de la protection de l’enfance atteint son comble, quand elle renonce à promouvoir le destin d’un Ejaz et d’un Hamza pour leur préférer le sort avilissant auquel elle condamne tant de leurs comparses.
Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°1323 ■ 20/09/2022