Faut-il légaliser le cannabis ?

Beaucoup restent encore farouchement opposés à toute idée de libéralisation de ce qui est pourtant souvent évoqué comme une « drogue  douce ».
D’autres préconisent une dépénalisation qui reviendrait à ne pas rendre légal cette consommation, mais à ne plus faire de sa consommation un délit.
Une petite minorité, dont les rangs grossissent au fil des années, revendique une légalisation qui permettrait pour les majeurs d’avoir accès à ce produit aussi librement que l’on peut aujourd’hui acheter son paquet de cigarettes.
Entre partisans et adversaires de la prohibition, s’agit-il en final de protéger ou de laisser se pourrir la jeunesse ?
Regardons de plus près la logique de ceux qui prétendent vouloir libéraliser un produit actuellement classé comme stupéfiant.

 

Le cannabis occupe dans notre pays une place tout à fait symbolique. Les prises de position à son égard dépassent de loin le simple aspect sanitaire. Comment, en effet, comprendre autrement, cette fantastique hypocrisie qui fait s’horrifier l’opinion publique sur une substance qui n’a à ce jour jamais tué personne, alors même que des produits aussi dangereux que le tabac (production  nationale : 35.000 tonnes / mortalité annuelle : 50.000 personnes) et l’alcool (production nationale : 8 millions d’hectolitres/ mortalité annuelle : 35.000 personnes), en vente libre, constituent un véritable fléau en matière de santé publique ?

Les mythologies qui perdurent en la matière rendent les responsables politiques pour le moins prudents, mais trop souvent couards par peur d’aller à contre-courant de l’avis d’une majorité de nos concitoyens. Car, reconnaissons-le : une grande partie d’entre eux, le paquet de cigarettes en poche et le verre de Ricard à la main a les yeux tournés vers cette herbe si dangereuse qui ferait tant de dégâts dans notre jeunesse ! D’où l’importance, peut-être de tenir ici un discours clair et cohérent qui permette à chacun de se forger une conviction, en évitant autant que faire se peut les rumeurs ou les craintes infondées.

Il est difficile de traiter de la question du cannabis sans aborder au préalable et en même temps la problématique plus vaste des drogues en général et de la toxicomanie en particulier. C’est bien ce cheminement que nous proposons au lecteur d’emprunter.

 

Drogue et histoire

Parmi les farouches opposants à toute concession au cannabis, on compte celles et ceux qui se sont lancés dans une véritable croisade vertueuse pour un monde sans drogue. La consommation de substances permettant d’entrer dans un autre état de conscience n’est pourtant pas chose nouvelle. C’est là, une pratique aussi vieille que l’humanité. Elle appartient même au monde animal. On connaît, en effet, ces grives et ces merles s’enivrant de grains de raisin fermentés ou ces éléphants et ces babouins de la savane africaine consommant les baies de l’arbre Manula qui les font tituber. Les civilisations dites premières ont souvent utilisé des produits psychotropes dans le cadre de rites sacrés : c’est alors le vecteur idéal pour entrer en communication avec le monde des dieux. Au coeur de la religion occidentale dominante ne trouve-t-on d’ailleurs pas l’absorption du vin comme symbole d’une communion autour du sang du Christ ? Mais ces habitudes étaient alors identifiées, repérées et codifiées lors de cérémonies officielles.
Tout va être bousculé au XIXème siècle par les grandes puissances colonisatrices qui vont être à l’origine des premiers grands trafics de drogue de l’histoire. C’est la Grande Bretagne qui, au travers des guerres dites de l’Opium (1839 et 1856) impose à l’empire de Chine la libre circulation de l’Opium sur son territoire. Il est vrai alors que la culture et la commercialisation de ce produit représentait 34 % (41% en 1875) des revenus de sa colonie indienne ! Très vite le même régime sera étendu à la Thaïlande et à la Birmanie (qu’on accuse aujourd’hui de cultiver cette plante). La France n’est pas en reste, qui crée en 1934 une régie de l’Opium, monopole d’Etat qui rapportera le quart des revenus de la colonie. « Fumer de l’opium n’est pas un délit, notre population indigène n’en souffre pas, et ce commerce est indispensable au budget des colonies. » affirmera alors Paul Deschanel, qui sera Président de la République. Une régie du kif est aussi créée en Tunisie et au Maroc. Mais, en métropole, la curiosité initiale à l’égard de ces substances  stupéfiantes laisse assez vite la place à la réprobation sociale. La pression vient surtout du corps médical. La première intervention de l’Etat date de 1906 : elle régule l’utilisation de l’opium.
C’est en 1916 et 1922 que sont votées des lois réprimant la consommation et le trafic de drogue. Le docteur Henri de Rotschild apporte sa contribution au débat en distinguant ce « stupéfiant détestable » qui « contribue pour une large part à l’affaiblissement de la race et à la dépopulation si menaçante pour notre pays » et le « bon  verre de notre vin de France » « réparateur puissant des forces physiques et morales » (1923) ! Ce qui soulève la réprobation générale, ce sont donc bien des produits en provenance de cultures étrangères. On assiste alors à un phénomène typiquement ethnocentrique qui consiste à rejeter les pratiques qui n’ont pas acquis de place au sein de la tradition nationale. Dans les années 1980, l’aviation américaine n’a pas hésité à bombarder les champs colombiens de coca. Certains pays de confession musulmane, qui ont intégré depuis des millénaires la consommation de cannabis, tout en bannissant l’alcool, ne seraient-ils pas fondés à venir arroser de napalm, les vignes de notre beau pays ?

 

La loi de 1970

La législation qui se met en place au début du XXème siècle se contentait de sanctionner l’usage public de drogue et sa mise à disposition d’autres consommateurs. En 1970 est votée une loi, toujours en vigueur aujourd’hui, qui va bien plus loin dans la répression, puisqu’elle punit sévèrement toute prise de produit stupéfiant, que ce soit en public ou en privé, avec pour seule concession, la possibilité d’une injonction thérapeutique.
Ce texte apparaît d’emblée comme une ingérence pénale dans un choix de consommation individuel. On peut comprendre que soit poursuivie toute attitude considérée comme portant préjudice à autrui. Mais, réprimer un comportement qui est adopté par un individu majeur, pour lui-même, constitue une législation d’exception attentatoire au principe de liberté. Pour comprendre ce durcissement de la société, il faut resituer le contexte (1). Les infractions à la législation sur les stupéfiants sont particulièrement rares au début des années 60. Elles justifieront en 1966 de 115 interpellations. En 1969, elles concernent 1.200 personnes.
C’est alors encore l’époque des traditionnelles consommations de tabac et d’alcool identifiées à un signe de virilité et de maturité. Combien de cartouches entières de cigarettes distribuées alors gratuitement, avec la solde, à tous les appelés du contingent ? Combien de petits paysans partant chaque matin à l’école avec sa fiole d’«eau de vie » pour son goûter ? Combien d’adolescents ayant droit à son premier verre de vin au moment de sa communion solennelle?
Mais, ces pratiques culturellement admises et intégrées n’ont bientôt plus le monopole. Apparaissent des prises de produit nouveaux. L’engouement de la jeunesse pour ces substances pas vraiment orthodoxes correspondait alors au mouvement général de contestation des vieilles coutumes et  des valeurs ancestrales des anciennes générations. Ce qui déclenche l’émotion tant de l’opinion publique que de la classe politique, c’est le décès qui survient, l’été 1969 dans la station balnéaire de Bandol, où l’on retrouve une jeune-fille morte d’une overdose dans les toilettes d’un café. La campagne médiatique qui se déclenche alors, dépasse toute proportion : « fléau national », « catastrophe sans précédent », « risque généralisé » … Les propos s’enflent, et c’est dans une ambiance de remoralisation et de mobilisation contre « le relâchement des mœurs » et le « malaise de la jeunesse » que la classe politique réagit et vote à l’unanimité la loi du 31 décembre1970. La problématique de la toxicomanie est aujourd’hui mieux appréhendée : entre le consommateur récréatif et occasionnel et l’héroïnomane qui absorbe ses trois grammes par jour, il y a tout un spectre de comportements différents. Mais la loi amalgame alors ces différentes attitudes en les pénalisant et on ne peut s’empêcher d’y voir la peur d’une société adulte effrayée par une jeunesse montante et inquiète des évolutions qui ont suivi 1968 : identifier drogués et révoltés pouvait alors être tentant.

Aujourd’hui, nous sommes toujours dans cette dynamique. La loi de 1970, appliquée strictement, pourrait amener l’auteur de cet article devant les tribunaux pour « incitation à la consommation de stupéfiant » (passible de 5 ans d’emprisonnement et 500.000F d’amende).

 

Dangerosité du cannabis : mythe et réalité

Il y a un extraordinaire décalage entre la dangerosité des  différents produits et leur perception par l’opinion publique.

L’Observatoire Français des Drogues et des Toxicomanies et l’institut BVA ont réalisé un sondage auprès de 2002 personnes âgées de 15 à 75 ans.
A l’évocation du mot drogue, 78% d’entre eux ont cité le cannabis, 54% la cocaïne, 45% l’héroïne, 39% l’ecstasy, 21% l’alcool et 20% le tabac. Ces trois derniers produits étaient désignés lors d’une enquête organisée en 1997 par respectivement 29%, 17% et 14% des personnes interrogées.
Les substances considérées comme les plus dangereuses sont par ordre décroissant : l’héroïne (87,8%), la cocaïne (84%), l’ecstasy (75,6%), le cannabis (51%), le tabac (20,3%) et l’alcool (5,7%).

Pourtant, un rapport officiel de l’INSERM, commandé par le gouvernement et présenté en mai 1998, classait les différents produits sans tenir compte de leur légalité ou de leur illégalité. Les trois critères retenus étaient les suivants : le taux de neurotoxicité (capacité de nuisance pour la santé), la dangerosité sociale (effets sur la place de l’individu dans la société) et enfin les potentialités de détachement (accoutumance ou non). Selon donc cet organisme officiel, éminemment scientifique, le premier groupe de produits le plus dangereux comporte l’héroïne, la cocaïne et.. l’alcool. Le second concerne les psycho stimulants (médicaments vendus sur ordonnance et remboursés par la sécurité sociale), les hallucinogènes et … le tabac. Enfin, dans  les moins nocifs apparaît le cannabis. Si l’on voulait être logique et tenir compte de la dangerosité ainsi effectivement reconnue, ne faudrait-il pas interdire l’alcool et les cigarettes et proposer la vente libre du cannabis dans tous les supermarchés ? Au contraire, rappelons que notre législation permet une libre consommation à toute âge du tabac, autorise celle de l’alcool à partir de 16 ans ( règle -reconnaissons-le peu respectée par les commerçants qui refusent rarement de vendre bières, vins et alcool à des moins de 16 ans !) et prévoit de fortes peines d’amende et de prison pour tout citoyen surpris en possession de cannabis . On ne peut que constater la persévérance de l’opinion publique en matière de banalisation de produits comme l’alcool et le tabac qui ne sont toujours pas perçus comme des substances dangereuses et la diabolisation du cannabis dont la nocivité réelle n’a pu être démontrée par aucune étude scientifique sérieuse.

 

S’attaquer aux causes plutôt qu’aux effets

Depuis des décennies, notre société se trompe de cible : elle s’entête à opérer une fixation sur tel ou tel produit qu’elle diabolise en ne comprenant pas que ce qui compte ce n’est pas tant les effets (la prise d’un toxique) que la cause (les raisons qui pousse les individus à le consommer).

Confrontés à des adolescents qui fument du haschisch, nous ne pouvons que nous inscrire dans le cadre de la loi en vigueur et rappeler l’interdiction qui s’impose face à la culture, la vente ou la consommation de cette substance. Mais, d’un point de vue strictement sanitaire et éducatif, il importe d’abord, de ne pas en rester à la simple distinction entre produit légale et illégal. Le tabagisme effréné, la prescription de somnifère à des jeunes de 14 ou 15 ans ou la coutume de l’alcoolisation du samedi soir qui fait parfois fureur (entre 15 et 30 canettes de bière dans la soirée ou mieux encore des cocktails entre bière et alcools forts) doivent inquiéter tout autant, l’adulte. La démarche fondamentale est bien de rechercher  le sens que donnent les jeunes à ces prises de produit. S’agit-il de pratiques ponctuelles, cherchant une ivresse récréative. Ou a-t-on à faire à une fuite régulière et systématique face à un quotidien vécu comme insupportable ? Car, l’accroissement massif de la recherche des paradis artificiels est symptomatique d’une crise de société. Y répondre par la seule répression comme le prévoit la loi de 1970 est une aberration. Nous sommes confrontés à des centaines de milliers d’adultes, mais aussi d’adolescents qui trouvent comme seule réponse à leur souffrance et à leur angoisse de l’avenir, une consommation non seulement de produits illicites, mais aussi tout à fait licites pouvant les entraîner dans une perte de toute notion de réalité. Croire qu’il suffit de leur crier bien fort « on peut très bien vivre heureux sans drogue, sans alcool, sans tabac » pour éradiquer ces pratiques, c’est vraiment faire preuve soit d’une grande mais dangereuse naïveté, soit d’une incommensurable stupidité. C’est un peu comme seriner à un dépressif « arrête de voir la vie en noir », ou à un anxieux « cesse donc de te faire du souci ».

Bien au contraire, c’est en reconnaissant cette angoisse existentielle et en nous donnant les moyens d’y répondre véritablement, que l’on pourra peut-être arriver à enrayer la toxicomanie.

Ce qui importe le plus, face à toutes ces pratiques, c’est donc bien d’essayer de repérer à quoi elles correspondent.

 
 
Distinguer le type de consommation et adapter la réponse adéquate

En 1996, l’O.F.D.T. a évalué à sept millions le nombre de personnes, tout âge confondu, ayant déjà consommé une fois dans leur vie du cannabis et à deux millions, celles qui en ont pris au cours de l’année écoulée.

En ce qui concerne, la consommation plus particulière des 14-18 ans, une étude a été menée par ce même OFDT en collaboration avec l’INSERM et l’Education nationale. Ses résultats ont été rendus publics le 28 février 2000. Ils portent sur une population de 12.113 collégiens (à partir de la 4ème) et de lycéens. On a donc pu établir qu’en 1999, quasiment tous les jeunes consultés ont expérimenté un produit psychoactif.
Ainsi, si à 14 ans, 81% ont déjà bu de l’alcool, ils sont 91% à 18 ans.
A 14 ans, 61% ont déjà fumé, ils sont 82% à 18 ans.
A 14 ans, 11% ont déjà consommé du cannabis, ils sont 51% à 18 ans.
L’expérimentation des autres substances illicites est inférieure à 5% de l’échantillon interrogé, mais est en progression.

La loi de 1970 amalgame tous les consommateurs, en les menaçant de peines tout à fait disproportionnées : très exactement jusqu’à 1 an de prison pour une consommation de Haschich, 10 ans pour sa détention, 20 ans pour sa culture.

Chaque jeune qui consomme un produit le fait d’une façon singulière. « Tout usage n’est pas abus. L’usage expérimental (par curiosité, goût de l’aventure), l’usage habituel (tous les week-ends sans que ce soit vraiment une dépendance), l’usage dysfonctionnel lorsqu’on perd le contrôle, la toxicomanie avec prise de risque. » explique Lia Calvacanti secrétaire générale de l’association Espoir Goutte d’Or, dans la revue « L’école des parents » de novembre 1998.

Il faut donc distinguer entre d’un côté l’expérimentation, la tentation de transgresser un interdit, l’envie de fête ou de convivialité (ce qu’on appelle une consommation récréative) et, de l’autre, une pratique compulsive,  systématique, qui répond sous la forme d’une fuite à ce qui est vécu ou comme une réponse à une détresse.
La réaction des adultes ne doit pas être la même.
Dans le premier cas (consommation récréative), ce sera plutôt de la vigilance et un rappel aux lois qui structurent notre société, qui peuvent changer, mais qui doivent être respectées, tant qu’elles n’ont pas été modifiées.
Dans le second (consommation compulsive), il s’agira bien plus d’épauler et d’accompagner le jeune dans ses difficultés afin de l’aider à trouver d’autres moyens de s’en sortir.
Dans tous les cas, il est essentiel de maintenir le dialogue.

Et qu’on ne nous rabâche pas l’argument éculé  de l’escalade : on commence par un pétard, et on passe ensuite aux drogues dures. Effectivement un toxicomane gravement dépendant a de grande chance d’avoir débuté par une première consommation innocente. Tout comme le cirrhosé du foi a commencé par un premier verre de vin ou le chauffard de la route, par une première leçon de conduite. Doit-on en déduire que prendre une première fois le volant ou une goulée d’alcool conduit inexorablement aux dernières extrémités ?

 

Légalisation ou prohibition ?

Un certain nombre de pays européens ont choisi une voie différente de celle de la pénalisation. On cite souvent, en exemple, les Pays Bas où l’achat de cannabis peut se faire librement pour un adulte majeur dans les fameux « coffee shop », sorte de bureau tabac où on peut acheter les produits et les consommer sur place. Le lecteur peut s’inquiéter en imaginant une dérive incontrôlable et un accroissement inquiétant du nombre de consommateurs. Les statistiques de ce pays ne laissent apparaître rien de tel. Non seulement cette nation n’a pas été submergée par la toxicomanie, mais elle en compte proportionnellement moins que dans l’hexagone ( 1,6 pour mille contre 2,4 à 2,6 en France). La consommation en quantité du cannabis n’a pas augmenté depuis 20 ans, l’âge moyen du consommateur est en hausse et la demande de produits plus durs stagne. En France,  différents mouvements réclament l’ouverture de « cannabistrot ». D’autres préconisent une légalisation contrôlée. La vente se ferait librement, exclusivement réservée aux majeurs, ne bénéficierait d’aucune publicité d’aucune sorte. Une taxe serait prélevée sur ce commerce qui viendrait directement alimenter les services de prévention et de prise en charge médicale, sociale, psychologique et éducative. Il faut rappeler à ce propos que sur les 5 milliards consacrés à la répression contre les infractions à la législation sur les stupéfiants, seuls 50 millions de Francs vont aujourd’hui à la prévention ! Cette option aurait en outre l’immense avantage de garantir la qualité du produit consommé. Aujourd’hui, on trouve sur le marché clandestin un cannabis coupé de beaucoup de produits qui ont l’immense avantage de coûter peu cher (ce qui rapporte beaucoup plus d’argent aux trafiquants et aux revendeurs) mais l’inconvénient majeur d’être parfois très nocif pour la santé.

Convenons-en : on est loin aujourd’hui de cette perspective. Tout au contraire, on en est encore à dépêcher dans les concerts du groupe brestois Matmatah comme cela s’est passé le 27 novembre 1999 à Nantes, la brigade des stupéfiants afin de constater qu’une chanson était chantée sur scène qui dit : « Non, bien sûr, le pétard n’élève pas la raison/Je te le conseille avec modération/Comme cet alcool qu’on boit avec déraison(…)/Voir un homme tituber ne choque pas la morale/Mais l’alcool tant loué vous est parfois fatal/Et le joint si léger dans mon pays natal/ Des droits de l’homme devrait être banal. » Les membres du groupe -ces dangereux malfaiteurs- ont été interpellés dès le lundi suivant et jugés récemment pour incitation à la consommation de stupéfiants. Dans le même temps, les députés ont amendé la loi Evin (qui interdisait toute publicité pour l’alcool), ce qui permet d’étaler sur les murs des grandes villes de gigantesques affiches pour des apéritifs anisés. Ces mêmes parlementaires ont aussi tout fait pour écarter la menace de voir les buvettes des clubs sportifs vendre de l’alcool le jour des compétitions. La tradition française est sauve : la « troisième mi-temps » pourra continuer à avoir lieu. Le bon peuple pourra continuer à s’aviner en paix, pendant qu’on pourchasse les fumeurs de hash !

 

La responsabilité éducative collective

Est-ce à dire que le cannabis ne présente aucune sorte de danger ? Comme n’importe quelle substance psychoactive, ce produit comporte ses risques et ses dangers. Beaucoup d’autres substances peuvent installer le consommateur dans une dépendance physique. Ce n’est pas le cas pour le Haschisch. Cela n’empêche pas l’installation d’une prise compulsive qu’il faut alors relier à une difficulté existentielle pouvant déboucher sur n’importe quelle autre consommation de produits illicites (héroïne, cocaïne, ecstasy, crack ...) mais aussi licites (alcool, anxiolytique, etc ...). Quand on creuse avec la personne dépendante, on peut alors trouver le manque de communication, l’absence de réponse aux angoisses de vie, le malheur, l’incapacité à supporter la moindre frustration, la faiblesse des relais et des possibilités de dialogue. On est alors bien loin de l’identification d’un produit en particulier. C’est alors bien plus ce qu’il révèle qui compte.
Comment permettre aux jeunes les plus fragiles de pouvoir faire face à une réalité parfois bien difficile et ainsi d’échapper à l’engrenage infernal de la fuite en avant (sous toutes ses formes) ? Tel est le défi qui nous est lancé à nous adultes  et que nous n’avons pas su relever jusqu’à présent, pour un certain nombre d’entre eux. Peut-être, faut-il multiplier les relais, les interlocuteurs, les points d’appui auxquels peuvent s’adresser les jeunes, sur lesquels ils peuvent s’appuyer. Les familles sont intéressées au premier plan. Pas seulement les parents envers qui l’adolescent prend souvent de la distance. C’est aussi le rôle des parrains, des tantes, des grands-parents … Mais aussi des amis, des voisins. Sans oublier tous ces adultes en contact avec les jeunes : médecins, profs, entraîneurs sportifs, travailleurs sociaux, animateurs... Nous sommes tous concernés en tant que co-éducateurs devant la responsabilité de nous porter au-devant d’eux et de réagir à leurs appels de détresse. C’est dans cette mobilisation et dans la qualité de la relation et du dialogue établis entre les adultes et les adolescents que l’on pourra faire œuvre utile bien plus que dans toutes répressions et campagnes d’affolement qui jusqu’à présent ont complètement échoué.
Au final, se pose enfin la question d’une éducation à la prise de risque (2). Aujourd’hui, il faut rendre les communautés et les individus plus responsables et plus aptes à choisir les modes d’utilisation des substances modificatrices de soi. Il faut que chacun puisse s’approprier les bénéfices et les dangers des différents comportements afin que les risques cessent d’être subis et deviennent choisis. Choisir devenant alors, la prise de décision dans une logique volontaire et rationnelle et l’arbitrage à partir des différents risques auxquels on est confronté.

 

(1)     « L’Etat et la toxicomanie – Histoire d’une singularité française » Henri Bergeron, puf, 1999, (370 p)

(2) « Conduites addictives, conduites à risques : quels liens, quelle prévention ? » les 15 et 16 mars 2001 La Baule

 
 
 
Des réponses en construction permanente

Les intervenants en toxicomanie sont présents aux quatre coins de l’hexagone. Ils fournissent un travail de fond, le plus souvent à bas bruit, proposant informations, formations, soins, suivi social et soutien psychologique. Salariés de nombreuses associations différentes, ils n’en confrontent pas moins leurs pratiques au cours de rencontres, colloques, congrès etc ... Ils ont suivi eux aussi une évolution qui les a menés d’une méfiance à l’égard de toute idée de légalisation à une position aujourd’hui ferme et argumentée allant dans ce sens. Nous sommes allés rencontrer l’une de ces professionnel(le)s (1) et lui avons demandé de nous préciser quelles attitudes et réponses elle aurait face à une équipe d’animation ou à un directeur qui la solliciteraient. Nous avons recueilli son témoignage.

La Rose des Vents est avant tout un pôle-ressources sur la question de la toxicomanie. Nous offrons notre compétence aux partenaires qui nous sollicitent. Nous nous refusons de dire ce qu’il faut faire ou pas faire, mais nous proposons d’apporter nos connaissances afin que les personnes trouvent leur propre solution. C’est à elles d’adapter ce que nous leur apportons à leurs pratiques.

 

Se décentrer du produit

La plupart du temps, tous les problèmes que ce soit au sein des familles ou au sein des groupes se focalisent autour de la prise d’un produit qui peut être le cannabis ou d’autres (car c’est de plus en plus rare que nous soyons confrontés à un seul produit). Notre souci dans ces cas- là est bien d’aider à prendre de la distance par rapport à la seule consommation pour essayer de comprendre comment fonctionne le jeune et son entourage. Ce qui est important alors, c’est bien de décrypter les interactions qui se sont établies et les conséquences qui se traduisent au travers de la prise du produit. Nous proposons de tenter de distinguer s’il s’agit d’un usage récréatif (un pétard, une fête ou un apéro de temps à autre), d’un usage abusif (besoin de consommer pour entrer en relation avec les autres, ou pour supporter d’aller en classe chaque matin ou encore pour faire face à ses angoisses ...) ou encore d’une dépendance (impossibilité de se détacher du produit).

Il est fondamental d’investiguer ainsi le type de consommation auquel on a à faire. L’attitude à adopter sera d’autant différente.

 

Des attitudes adaptées

Dans les deux cas extrêmes, la réaction ne mérite aucune hésitation.

Face à une prise récréative, il n’y a pas trop d’inquiétude à avoir, juste peut-être une saine vigilance. Cette pratique est d’ailleurs perçue  de moins en moins difficilement par les familles.

Dans les situations de dépendance, on est dans l’ordre  du soin : inutile de tourner autour du pot, il faut envisager une intervention intensive et très spécialisée tant au niveau médical que psychologique ou en matière d’accompagnement social de proximité. Face à un jeune qui se trouve dans une dynamique clairement pathologique, il est parfois bien difficile d’accompagner sa prise de conscience et celle de sa famille. Les uns et les autres sont persuadés que c’est le produit qui rend le jeune tel qu’il est, alors que manifestement c’est le contraire. Il faut alors s’affronter au déni et à l’illusion : c’est souvent très douloureux.

Plus délicate est l’attitude à adopter face à ce qui n’est déjà plus récréatif et pas encore dépendance. Le passage du festif à l’abusif n’est pas toujours très facile à percevoir, ni celle du festif à la dépendance. C’est là que les adultes doivent particulièrement être attentifs. Les facteurs déterminants qu’il faut repérer, c’est la place que prend le produit dans les attitudes habituelles qu’on attend d’un jeune : sa scolarité, ses pratiques sportives, ses relations amicales, sa sexualité ... Car, c’est bien là l’essentiel. Au travers de la prise d’un produit, ce qui compte, ce n’est pas tant le produit lui-même que ce qu’il fait voir d’un certain fonctionnement du jeune avec son entourage, ses parents ou bien les animateurs. Quelle fonction joue cette consommation ? A quelles souffrance et à quelles difficultés vient-elle répondre ? Quel rôle joue-t-elle dans l’économie psychique du sujet ? C’est bien tout cela qu’il faut évaluer avant de trouver les meilleures réponses.
 

Construire les réponses avec les intervenants

Les animatrices et animateurs, ainsi que les directrices et directeurs peuvent être confrontés à des situations où ils ne savent pas comment réagir. Ainsi, ce club de jeunes qui envoie un groupe à un concert. Le videur trouve sur l’un des ados présents une boulette de shit et la remet à l’animateur. L’équipe est restée plusieurs jours à se demander quoi faire. Le jeune réclamait sa boulette. Cela leur semblait difficile d’accéder à sa demande. Ils ne savaient pas s’il fallait en parler à ses parents...

Quand, dans ces cas-là, nous sommes contactés par des professionnels, nous n’apportons pas de solutions, mais cheminons avec eux. Car, la confrontation à une consommation de cannabis pose plein de questions.

Comment en parler à ceux qui prennent ce produit ? Il y a de la marge entre un comportement très répressif où l’animateur se comporterait comme agent de l’ordre et une complicité dangereuse et inacceptable. Il n’est pas toujours facile pour un jeune adulte de 20 ans de trouver la bonne attitude. Il faut pourtant essayer d’adopter un juste équilibre entre l’écoute et le rappel à la loi. Mais, comment rester crédible quand on interdit certaines pratiques (comme le cannabis), et qu’on s’autorise parallèlement des comportements tout aussi illégaux (comme, par exemple, rouler à 140 KM/H quand on transporte des jeunes) ?

Fréquemment, les ados interrogent leurs animateurs pour savoir ce qu’ils ont fait ou font encore. Ont-ils fumé ou fument-ils toujours ? Se pose alors la question de la cohérence entre l’interdiction donnée aux plus jeunes de consommer du haschisch et le fait qu’on soit soi-même consommateur. Certains adultes préfèrent se réfugier derrière leur statut professionnel (« ma vie privée ne te regarde pas » ou « je ne suis pas ici pour parler de cela »). D’autres choisissent de montrer qu’ils ont réussi à combiner leur consommation avec une intégration à la vie quotidienne (travail et vie familiale stable), voulant ainsi donner l’exemple d’une démarche équilibrée.

Autre question essentielle : faut-il prévenir les parents ? Mieux vaut réfléchir auparavant aux conséquences de cette information. Certes, ils sont les responsables légaux et à ce titre, ils ne peuvent être mis sur la touche. Mais, il est sûr que si cela doit impliquer une interdiction de sortie pendant 6 mois, un contact pris auprès de tous les parents des copains et une demande faite à la gendarmerie de venir tout fouiller à la maison, comme cela s’est déjà vu, mieux vaut y réfléchir à deux fois ! 

Faut-il porter plainte auprès de la police ou de la gendarmerie ? Le jeune en est peut-être à un moment de sa vie où il a surtout besoin qu’on s’intéresse à lui, qu’on prenne du temps à la fois pour recadrer ses attitudes mais aussi pour répondre sur ce qui est peut-être un appel à l’aide. Mais, il peut tout aussi bien en être à un stade où il a surtout besoin d’être arrêté dans sa dérive par une confrontation brutale à la loi.

A toutes ces questions, il n’y a pas de réponses toutes faites. Elles doivent se construire, en fonction du contexte, de ce que les adultes présents sont prêts à assumer, de ce qui permettra de mieux faire avancer le groupe et le jeune.

 

(1) Geneviève Dutouquet, assistante sociale,  La Rose des Vents, centre spécialisé de soins aux toxicomanes, 32 rue Roger Salengro 44600 Saint  Nazaire, Tél. : 02 40 01 96 12

 

A lire interview : De Choiseul Charles - Cannabis

 

Jacques Trémintin – Journal de L’Animation  ■ n°22 ■ oct 2001

 

 

Bibliographie
►     « La drogue, 3O ans après »
Claude Olivenstein, édition Odile Jacob, 2000, (276 p)
Claude Olivenstein sait de quoi il parle, lui qui a été pendant près de 30 ans chef de service à l’hôpital de Marmottan, première structure ouverte aux toxicomanes.  Les propos qu’il tient ici sont lucides et intelligents. Ils ne tombent jamais ni dans la facilité ni dans des explications simplistes. La consommation de drogue ne relève, pour l’auteur, ni d’une pathologie, ni de la délinquance : elle plonge dans la complexité du fonctionnement humain qui mérite d’être décryptée. La description qu’il fait du mode de fonctionnement de Marmottant permet de comprendre la démarche qui y est proposée : derrière sa consommation, c’est toujours l’être humain qui reste l’interlocuteur principal. En tant que praticien expérimenté, Olivenstein n’hésite pas à condamner avec virulence les deux directions prises par la France en matière de drogue : la prise en compte d’une manière isolée de chacun des produits psychoactifs et une loi répressive qui vise à l’abstinence en se refusant à distinguer entre l’usager récréatif et le véritable toxicomane.

►     « Le toxicomane et sa tribu » 
Nadia Panunzi-Roger, Desclée de Brouwer, 2000, (180p)
On a trop souvent tendance à identifier l’individu avec un aspect saillant de sa personnalité ou le comportement particulièrement visible qu’il adopte. Toute la démonstration de ce livre consiste justement à déconstruire la représentation sociale du toxicomane comme être social et dangereux, en incitant à ne pas s’en arrêter au symptôme, mais à reconsidérer la personne. L’auteur s’attache à montrer ce qui relie le toxicomane au reste de la population. La recherche et la consommation du produit le pousse, en effet, à tisser un réseau de relations nombreuses, diverse et fiables et à développer toute une série de compétences et de stratégies pour se protéger et survivre. Ces contraintes incitent à un fonctionnement de type communautaire qui se rapproche beaucoup du fonctionnement des tribus primitives et e est centrée sur le partage d’un même vécu et d’un même ressenti. Cette plongée quasiment ethnographique dans un groupe humain particulier renvoie le lecteur à une dynamique universelle.

►     « Les jeunes, les drogues et leurs représentations »
Pascal Le Rest, L’harmattan, 2000, ( 188 p)
Face à face tragique entre d’un côté, un monde adulte si méprisant à l’égard de ses adolescents à qui il impose une violence trop souvent non dite et une famille refusant trop souvent d’instaurer des relations verticales et de l’autre cette adolescence si fragile et si propice tant à la dépressivité qu’au doute existentiel ou encore aux conduites agies, somatiques ou transgressives révélant le mal-être et la difficulté à trouver sa place. Entre les deux, il y a ce formidable moyen de se mettre à distance ou de mettre l’autre à distance que constitue la prise de toxique. La seule réaction adulte qui vaille n’est pas ces mises en garde culpabilisantes ou répressives, mais bien ce comportement attentif au jeune, présent à lui, à son vécu et à ses représentations et la disponibilité à ses difficultés et à sa parole. L’auteur rend compte de ses nombreuses interventions au sein des collèges et les représentation qu’il y a trouvé chez son jeune public des différents produits toxiques.

►     « Faut-il avoir peur du hashish ? Entre diabolisation et banalisation : les vrais dangers pour les jeunes »
Sylvain Aquatias, Isabelle Maillard, Michel Zorman, Syros, 1999, (225 p)
Beaucoup d’informations circulent sur le cannabis. Ce livre tente de trier entre les tabous et les préjugés. La consommation de ce produit n’entraîne ni de désinvestissement, ni de désintérêt. Il est resté d’ailleurs autorisé en privé jusqu’en 1970 et largement utilisé comme stimulant de la créativité artistique. Même fumé régulièrement, il n’empêche pas d’avoir un travail stable et une vie sociale équilibrée. Sa toxicité est faible et la notion de dose mortelle ne le concerne pas. L’intense pratique sportive n’est pas une garantie de non-consommation de tabac, d’alcool et de hachisch, mais un facteur qui la favorise. La meilleure prévention reste une éducation à la responsabilité : les enfants qui acquièrent auprès de leurs parents une identité positive sont ceux qui ont les consommations les moins importantes.  Les auteurs de l’ouvrage s’engagent ici très clairement en donnant des réponses claires et précises que l’on peut toujours aller vérifier ailleurs.  

►     « Les toxicomanes ne sont pas tous incurables »
Sylvie Geismar-Wieviorka, Seuil, 1998, (210 p)
C’est de sa place psychiatre et directrice de l’un des 200 centres spécialisés dans le traitement de la toxicomanie que l’auteur s’élève contre le triptyque de la politique française en matière de drogue: l’abstinence comme idéal normatif, la désintoxication comme seul orientation thérapeutique et le rêve d’une société sans drogue comme perspective politique. Elle dénonce l’amalgame qui fait agir toujours de la même façon et plaide pour la complémentarité des modes d’intervention : sevrage classique pour les uns, couple sevrage/ substitution pour d’autres. Elle explique l’attitude adéquate à adopter : se donner du temps pour bien comprendre les problématiques souvent complexes, se montrer d’emblée à l’écoute et susceptible d’aider, poser des limites et essayer de s’y tenir, être fiable et constant dans ses engagements et surtout respecter les désirs, les possibilités et les limites de chaque individu.

►     « J’accuse les mensonges qui tuent les drogués »
Docteur Annie Mino et Sylvie Arsever, Clamann Lévy, 254 p, 1996
L’auteur, médecin-chef de l’unité spécialisée dans la toxico-dépendance au sein de la psychiatrie publique genévoise, fait ici, le récit de sa propre évolution. Longtemps convaincue de la nécessité d’interdire toute consommation de drogue, elle ne s’émeuvait guère du faible taux de réussite de sa démarche thérapeutique (environ 10%). Puis est venue la douloureuse prise de conscience et le virage à 180°, l’amenant à prescrire de l’héroïne aux toxicomanes dépendants, comme le font déjà une dizaine de pays développés: (Grande Bretagne, Pays-Bas, USA, Canada, Italie, Autriche, Espagne, Allemagne, Suède). L’auteur explique bien l’évolution qui l’a fait passer d’une vision de la drogue assimilée au même statut que l’inceste ou du meurtre à la conviction que morphine et héroïne consommés dans des conditions sanitairement sûres et en bonne proportion ne présentent que très peu de danger pour la santé.

►     « Drogues légales - L’expérience de Liverpool »
Anthony Henmann, Editions du Lézard, 1995, 146 p.
Depuis 1926, le Royaume-Uni s’est distingué des autres pays du monde par une politique de délivrance contrôlée des drogues dures. Le « British System » permet à tout médecin titulaire d’une licence du Ministère de l’Intérieur de prescrire n’importe quelle substance psychotrope à un patient. Des clinique spécialisées proposent même une consommation encadrée de toute une gamme de drogues (héroïne, méthadone, amphétamine et cocaïne). Il s’agit d’attirer le maximum d’usagers dans les services de soins et de développer chez eux des pratiques sanitaires favorisant la prévention du VIH. Dans la région de Liverpool, la police constate une division par 15 des actes de délinquance liée à la toxicomanie. En matière sanitaire, les résultats sont aussi spectaculaires : le taux d’infection en matière de Sida, des toxicomanes y est de 1,5% contre 30 à 50% de bien d’autres villes européennes. L’expérience prendra fin à la fin des années 80 sous pression du lobby prohibitionniste.

►     « La drogue est un prétexte »
Francis Curtet, Flammarion, 206p, 1996.
Psychiatre expérimenté dans le domaine de la toxicomanie, Francis Curtet est un farouche opposant à toute libéralisation de quelque drogue que ce soit. Il se bat depuis des années pour faire comprendre que le nombre de toxicomanes est un baromètre de la validité de l’existence que nous proposons à nos enfants. Un jeune qui se sait aimé, à qui on a fait confiance, à qui on a su indiquer les limites, à qui on a donné droit aux défaillances a toutes les chances de ne jamais devenir toxicomane. Mais réunir les conditions d’une telle personnalité  nécessite de se placer à contre-courant d’une société qui privilégie le paraître aux dépens de l’être, qui vénère l’argent comme symbole de réussite et qui valorise plus le cynisme que la solidarité. C’est ce que tente de faire Francis Curtet avec son association « grande écoute » qui se propose par ses interventions multiformes de favoriser l’émergence d’une autre qualité de regard et d’écoute.

►     « Drogues : savoir plus, risquer moins –Drogues et dépendances, le livre d’information ce qu’il faut savoir. Le cannabis. La cocaïne. L’ecstazy. L’héroïne. Le tabas. Les conduites dopantes. Les médicaments psychoactifs. »
Mission Interministérielle de Lutte contre la drogue et la Toxicomanie/ Comité français d’Education pour la Santé, 2000, (146 p)
La MILDT, grâce à sa nouvelle directrice,  Nicole Maestracci, un cours nouveau est passée d’un objectif illusoire (l’éradication des drogues) à une démarche réaliste et intelligente : (informer et réduire les risques). Ce petit livret en est bien l’illustration qui traite des substances psychoactives en général, indépendamment de leur légalité ou non. On y trouve un état des lieux lucide sur les différents produits et leurs effets (historique de leur apparition, façon dont elles se présentent, statistiques sur l’importance de leur consommation, effets et dangers auxquelles elles exposent), une distinction entre usage et usage nocif pouvant induire une dépendance, ainsi que des conseils donnés aux adultes pour leur permettre d’apporter les meilleures aides et réponses possibles.

►     «  Et si on parlait du hachisch : des jeunes témoignent. Urgence ils on des choses à nous dire » 
Marie-Christine D’Welles,  Marabout, 2001 (128p.)
Les spécialistes ne manquent pour parler du cannabis et des jeunes. Mais qu’en pensent ces derniers ? L’auteur a voulu aller à leur rencontre et leur donner la parole sur cette question. Nombre d’adultes et de parents tomberont de haut en lisant ces pages. Ce sujet reste encore pour eux toute théorique. Combien d’entre eux se rassurent en croyant que celui (ou celle) qu’ils côtoient au quotidien, « ne touche pas à cela ». Qu’ils lisent ce livre :qui sait ?  ilsauront peut-être la surprise d’y retrouver l’un(e) de leur proche. S’il n’y est pas, peut-être aurait-il pu y être. En refermant l’ouvrage, il ne leur restera plus qu’à établir le dialogue et se montrer aussi franc et ouvert que ces 28 jeunes 28 interviewés qui nous livrent un univers qui est à notre porte et que nous ignorons trop souvent.