La tyrannie de l’apparence

L’aspect physique, la mode vestimentaire, les soins du corps, la coiffure, l’attachement aux marques réputées… notre société est devenue, au fil des temps, de plus en plus soucieuse de l’apparence. Longtemps apanage des filles et des femmes, les garçons et les hommes prennent eux aussi soin de leur présentation, les ménages consacrant 3.000 euros chaque année rien qu’en produit cosmétique. On pourrait se féliciter de cette concrétisation du proverbe « bien dans sa peau, bien dans sa tête », si elle n’avait quelques effets pervers au premier rang desquels l’injonction d’avoir à se présenter sous le meilleur jour, sous peine d’être mis au ban. Cet impératif est devenu despotique au point de provoquer une véritable discrimination à l’égard de tous ceux qui s’éloignent des archétypes imposés.

 

« Miroir, miroir, dis-moi que je suis la plus belle »

D’où vient donc cette quête de la beauté à laquelle tant d’entre nous semblent tenir ? Bien des hypothèses l’expliquent. Mais une certitude l’emporte : jamais elle n’a été aussi prégnante que depuis l’émergence de la modernité et du sujet triomphant.

La psychologie évolutionniste affirme que l’identification du beau serait inscrite biologiquement dans notre espèce. Comme tout animal, l’être humain est génétiquement programmé pour se reproduire. Et le meilleur facteur prescriptif de la survie de l’espèce serait l’aspect extérieur des géniteurs. Leur apparence saine et en bonne santé serait sensée garantir non seulement une fertilité prolifique, mais aussi une descendance vigoureuse promise à la longévité, car plus résistante tant aux maladies qu’aux différents stress environnementaux. Le choix du conjoint serait alors dominé par la recherche des meilleurs gènes. Une telle hypothèse mérite bien sûr d’être relativisée, du fait même que l’espèce humaine a la particularité de ne pas être dominée par son seul instinct, la culture et l’éducation prenant une part importante dans son comportement. On doit donc parallèlement chercher les critères qu’elle a fixée pour objectiver la notion de beauté. C’est Polyclète, sculpteur grec ayant vécu il y a plus de 2.400 ans avant le temps présent, qui mène l’une des premières recherches systématiques sur les proportions idéales et divines de ce qui se fait de mieux. L’artiste rédigea un traité définissant les rapports numériques entre les différentes parties du corps : le torse et les jambes ont la même hauteur, c'est-à-dire trois fois la hauteur de la tête, le bassin et les cuisses mesurent respectivement les deux tiers du torse et des jambes. Le titre de cet écrit nous est resté : « le canon », terme que l’on utilise encore pour désigner un individu à la belle apparence. Pour autant, il n’existe pas d’universalité culturelle quant à l’identification des références permettant de l’identifier (voir l’entretien avec Thibault de Saint Pol).

 

Le tournant de la modernité

La structuration de la société est restée très longtemps figée, les frontières entre les classes sociales étant quasiment étanches les unes, par rapport aux autres. Si on était paysan, noble ou bourgeois, ses enfants deviendraient paysan, noble ou bourgeois. Le code vestimentaire et les conventions étaient alors le reflet du milieu ou de la caste sociale à laquelle on appartenait ou du rang qui était le sien. La beauté individuelle n’intervenait ni dans une hiérarchisation stricte et incontournable de la place de chacun, ni dans son destin. Avec la modernité, émergent le sujet qui est invité à construire sa vie, l’individu qui est encouragé à maîtriser son existence et la personne singulière qui est incitée à dépasser les prédéterminations qui pèsent sur elle. Dès lors, l’apparence devient un élément essentiel sur un marché ouvert qui a remplacé les normes anciennes, les prescriptions de comportements et les règles de bienséance distinctives de chaque milieu socio-économique. La présentation de soi conditionne les relations aux autres. Les critères étant particulièrement subjectifs, les préjugés et les idées reçues foisonnent pour déduire et évaluer ce qui se cache derrière le corps et ses attributs. Une « belle personne » de bonne taille, bien bâtie, aux muscles saillants et au visage harmonieux se verra attribuer des qualités morales positives : elle est spontanément perçue comme intelligente, sociable sympathique, gentille, chaleureuse. Tel n’est pas le cas de ceux qui dérogent au canon officiel. Dans l’imaginaire populaire, la laideur a toujours été associée à la méchanceté, à la folie, à la bêtise. Les roux sentiraient mauvais, quand ils sont mouillés. Les blondes seraient moins cérébrales que les brunes. La petite taille serait un signe de fourberie. La surcharge pondérale supposerait un manque de volonté. Loin d’être anecdotiques, ces discriminations surdéterminent nos choix et nos décisions, les critères de beauté ou de laideur intervenant dans toutes les relations humaines.

 

Le mythe du chiffre d’or
Calculez la distance entre votre nombril et vos orteils, puis divisez par votre hauteur. Plus le chiffre obtenu se rapproche du chiffre d’or (1,6), plus vous pouvez vous considérer comme quelqu’un de beau ! Si l’espèce humaine a connu depuis des millions d’années des mutations morphologiques majeures rendant bien douteuse cette formule, il n’y a rien de plus subjectif que la sensation d’émerveillement que chacun ressent face à ce qu’il perçoit subjectivement comme beau.

 

 

Une jeunesse otage de son look ?

De l’enfance au troisième âge, le souci de soi traverse toute la vie. Pour autant, s’il est une période fragile et vulnérable qui est particulièrement impactée par la tyrannie de l’apparence, c’est bien celle d’une adolescence très sensible à son image.

L’adolescence constitue une époque charnière entre l’enfance et l’âge adulte. C’est une période de remaniement tant psychique que physique, affectif que sexuel. La prise de distance d’avec les modèles parentaux et la recherche d’autonomie signent la volonté de forger une identité propre. Plus encore qu’à tout autre moment de l’existence, l’estime de soi est particulièrement précaire. Comme ce homard vulnérable quand il mue, quittant sa carapace pour en fabriquer une autre plus adaptée à sa croissance, l’adolescent est particulièrement exposé à ce que son entourage lui renvoie. Sa grande sensibilité au regard d’autrui va structurer le respect qu’il se porte et le sentiment qu’il se fait de sa propre valeur. Or, notre société propose trop souvent, à travers la mode, les media, la publicité, le cinéma, des modèles de corps idéalisés, presque parfaits, que chacun est invité et tenté d’imiter. Le décalage est sans appel entre l’exemple idyllique présenté comme la norme à atteindre et la réalité prosaïque de tout un chacun. Ne pouvoir atteindre cet objectif irréalisable constitue dès lors une source potentielle de dévalorisation : s’apercevoir que l’on n’est pas à la hauteur de tels critères esthétiques ne fait que noircir l’image que l’on a de soi. Alors que les adolescents venaient juste de réussir plus ou moins à s’affranchir du pouvoir exercé par leurs parents sur leur choix de vêtements, de coiffure et de style, les voilà retombés sous une autre dépendance, la tyrannie de l’apparence. Et de se débattre dans un double mouvement contradictoire : essayer à la fois à se distinguer tant des enfants que des adultes en affirmant sa personnalité et sa spécificité, tout en cherchant à s’identifier à son groupe de pairs. C’est là tout le paradoxe : comment se montrer original en se réappropriant son corps, tout en respectant les codes de sa génération ?

 

D’une dépendance à l’autre

La réponse n’est pas simple à apporter. Choisir la singularité et l’authenticité, c’est prendre le risque de se couper d’une affiliation à un groupe si importante à cet âge. Mais, opter pour une mode et adhérer à une tribu (voir l’encadré), c’est apparaître parfois comme trop conformiste et soumis à une période où l’on revendique tant son autonomie. Mais, dans tous les cas, il faut adopter une apparence qui traduise ses valeurs intérieures. S’il est vain de penser que l’on peut s’émanciper de cette tyrannie, on peut néanmoins lui résister. En mai 2011, la marque Abercrombie & Fitch fit sensation, avec un argument de vente provocateur : recruter des vendeurs beaux, minces, aux abdominaux saillants et les faire travailler torse nu. Cette discrimination au physique ayant provoqué des réactions contre-productives de l’opinion publique, mais aussi une avalanche de plaintes en justice, les magasins durent mettre un terme à cette exhibition. En 2013, le parlement a interdit les concours de beauté « mini-miss » aux moins de 13 ans, les considérant comme une intrusion malvenue de la sexualité adulte dans l’enfance. A compter du 1er octobre 2017, s’applique ce qui a été surnommé le « décret photoshop » qui impose aux magazines de mode d’apposer la mention « photographie retouchée », lorsque l’apparence corporelle des mannequins a été modifiée par un logiciel de traitement d’image, pour affiner ou épaissir leur silhouette. Il s’agit bien ici de relativiser ces images idéales de jambes galbées, teint éclatant, silhouette avantageuse, dents parfaitement blanches … obtenues en corrigeant les bourrelets disgracieux ici, en gonflant une poitrine un peu trop menue là, en effaçant les défauts de l’épiderme ailleurs. Mais toutes ces mesures sociétales, aussi bienvenues soient-elles, ne remplaceront jamais l’action quotidienne des professionnels au contact des enfants et des adolescents.

 

Quelques tribus
Les Teufeurs portent des  vêtements amples aux couleurs bariolées et le keffieh, se coiffant de dreadlocks. Les Bons Chics Bon Genre (BCBG ) préfèrent les vêtements classiques et élégants. Les Gothiques adoptent le noir et parfois le rouge, arborant de grosses chaînes, des bracelets à pic en métal, de longs manteaux et des chaussures à plateforme. Les Racailles privilégient les survêtements, casquettes et bananes Lacoste, les chaussures dernier cri, le jogging dans les chaussettes.

 

 

Organiser la résistance

« L'important n'est pas ce qu'on fait de nous, mais ce que nous faisons nous-même de ce qu'on a fait de nous » affirmait Jean-Paul Sartre. Non, la tyrannie de l’apparence n’est pas une fatalité. Si on ne peut l’abolir, on peut tenter de la combattre.

Des études réalisées par l’Insee en 2003 auprès de jeunes âgés de 12 à 17 ans ont fait émerger quatre principales causes de stigmatisation : la corpulence et la taille, la façon de s’habiller, la manière de parler ainsi que la consonance du nom et du prénom. Le fondement de la discrimination est donc bien au cœur de l’apparence : le forme du corps, comment il est revêtu, la manière de s’exprimer et le patronyme. Autant d’attributs qui fonctionnent comme la partie extérieure et visible de la personnalité sensée représenter, à tort, à la fois ses racines et ses manifestations. Garant des valeurs d’équité et d’égalité dans les relations qu’il tisse autour de lui, l’animateur a la responsabilité de gérer aussi ces ségrégations. Il peut y arriver, en passant par trois étapes successives : identifier, dépasser et promouvoir.

 

Identifier

Première démarche donc, celle qui consiste à prendre conscience de ses propres imprégnations. De la même façon que chacun d’entre nous est soucieux de l’image qu’il renvoie de lui-même, personne ne peut résister spontanément à la séduction de la beauté d’autrui. Cette attirance amène à se tourner en priorité vers la personne présentant des traits harmonieux, à minimiser sa responsabilité en cas de conflit et à lui attribuer bien plus facilement sa confiance. Il n’en ira pas de même de la personne disgracieuse sur laquelle le regard ne s’attardera pas, qui sera jugé plus facilement responsable et provoquera plus facilement la défiance. Commencer par se reconnaître sensible à l’apparence (que ce soit la sienne ou celle de l’autre), c’est prendre les moyens de modifier son comportement, en repérant ses manifestations et en travaillant à les corriger.

 

Dépasser

Une fois que l’on a bien identifié cette appétence spontanée que nous partageons tous pour la belle apparence, comment s’en détacher ? En se concentrant sur les autres dimensions non directement visibles de la personnalité d’autrui. Elles n’apparaîtront pas d’emblée, nécessitant un effort pour aller les découvrir. On peut parler là d’une beauté intérieure, insoupçonnée à première vue. Cette richesse se déploie à bas bruit, cultivant des qualités authentiques et sincères, des savoir-faire méconnus et des compétences parfois abondantes mais que seules la timidité et une personnalité effacée n’avaient pas permis de mettre à jour jusqu’alors. Aller les rechercher n’est pas une vaine ambition. On en est quasiment toujours récompensé, tant ce que l’on découvre est enrichissant. Ce n’est pas celui qui était si souvent ignoré, voire méprisé qui s’en trouve  forcément le plus valorisé. Réussir à dévoiler des compétences jusque là ignorées reste un moment de satisfaction intense. 

Valoriser

Il ne reste plus alors qu’à partager et promouvoir ce que l’on vient d’identifier. On se moque de Kevin, parce qu’il a une surcharge pondérale. Mais, sait-on qu’il est passionné de modélisme et sera enchanté d’animer un atelier pour ses copains ? Le groupe de jeunes a pris Chloé en grippe, parce qu’elle zozote. On lui proposera de co-organiser le défilé de mode, elle qui est devenue, grâce à sa mère, experte en couture. Mathieu, dont les parents sont allocataires au RSA, se fait rejeter par ses copains, parce qu’il ne peut s’acheter les dernières baskets à la mode : la paire à 290 euros, c’est le tiers du revenu mensuel de sa famille. Ce que l’on ignore, c’est que son niveau en informatique lui permettrait de dépanner les ordinateurs de ceux-là mêmes qui le traitent de haut. Mais, il n’y a pas que les ressources personnelles qui peuvent être valorisées. C’est tout au long des activités proposées que l’on peut mettre en avant ceux dont on se détourne trop souvent. Résister à la tyrannie de l’apparence n’est donc pas une utopie, pour autant qu’on décide de s’engager sur cette voie.

 

Quand la différence s’affiche
Quoi de plus attrayant et séduisant qu’un défilé de mode exposant de beaux corps accoutrés de superbes vêtements mis en valeur grâce à des démarches sveltes et élégantes ? Fashionhandi fait chaque année un tabac et bouscule à chaque fois les préjugés, en présentant des personnes avec handicap qui défilent en fauteuil roulant, n’hésitant pas à exposer leur infirmité aux côtés de mannequins valides démontrant ainsi que ces derniers n’ont pas le monopole de l’esthétique.

 

Lire l'interview De Saint-Pol Thibaut - Tyrannie de l'apparence
Lire l'interview Cheval Sophie - Tyrannie de l'apparence

 

Ressources

« Le Poids des apparences: Beauté, amour et gloire » 
Jean-François Amadieu, Ed. Odile Jacob, 2005
Réussit-on mieux à l'école si l'on est beau ? A-t-on plus de chances de trouver un premier emploi, de faire une belle carrière ou de bien gagner sa vie ? Est-on plus heureux en amour ou en ménage ? Voici, entre démonstration et dénonciation, une étude précise des effets de l'apparence physique sur la réussite scolaire, professionnelle, amoureuse ou encore politique. Et si notre visage, notre corps, nos vêtements et notre allure jouaient un rôle essentiel dans notre destinée ? Et si l'apparence physique était un des facteurs les plus insidieux de discrimination sociale et de reproduction des inégalités ? L’auteur, professeur de sociologie de gestion des ressources humaines à l'université de Paris Panthéon-Sorbonne propose un état des lieux édifiant s’appuyant sur large revue des études scientifiques menées à travers le monde.

« La Société du paraître : Les beaux, les jeunes et les autres »
Jean-François Amadieu, Ed. Odile Jacob, 2016
Le fond de la salle, est-ce ce qui nous attend encore aujourd’hui dans un restaurant chic si nous ne sommes pas jugé assez beau ? Un décolleté plongeant, des hauts talons et une taille 36 : est-ce toujours un atout pour réussir un entretien d’embauche ? Le chômage : est-ce vraiment ce qui nous guette si nous perdons notre emploi après 50 ans ? Plus d’argent : est-ce, à compétences égales, nécessairement ce que gagnera un homme sportif par rapport à un quadragénaire en surpoids ? Jean-François Amadieu explore un nouveau volet de cet impérialisme du paraître dans nos sociétés, en s’appuyant sur des enquêtes inédites concernant notamment les réseaux sociaux, le monde du travail, la politique ou la télévision. Il était inévitable que le culte de la beauté, de la minceur ou de la jeunesse finisse par provoquer des refus et des réactions dans l’opinion publique. Allons-nous enfin être libérés de la tyrannie des apparences ?

« La construction sociale du corps »
Christine Detrez, Ed du Seuil, 2002
Tantôt perçu comme le siège de l'identité, où s'incarnerait le portrait moral et social de l'individu, tantôt comme une enveloppe emprisonnant l'âme ou l'esprit, le corps est la charnière de deux concepts clés de la pensée occidentale, la nature et la culture. Support obligé de toutes les activités de l'individu, le corps est mis en jeu dans les interactions avec autrui, le travail, le sport, la santé, mais aussi dans les pratiques les plus intimes, l'hygiène, l'alimentation ou la sexualité. Ce livre tente d'articuler et de problématiser les réflexions que le corps a suscitées pour faire émerger une approche sociologique de cet objet paradoxal. Il interroge les représentations et les valeurs que le corps véhicule, les expressions du langage et les savoirs qui le façonnent, en particulier ses aspects les plus " naturels " et les plus personnels, de la façon de marcher à la manière de se moucher, de celle de se tenir à celle de se vêtir.
 
« Le Sentiment de soi. Histoire de la perception du corps (XVIe-XXe siècle) »
Georges Vigarello, Ed. du Seuil, 2016
Yoga, méditation et autres techniques de bien-être : l'idée est aujourd'hui largement répandue que nous pouvons agir sur notre humeur et nos états d'âme par un travail sur le corps. Or cette idée a une histoire que Georges Vigarello révèle ici, proposant un parcours fascinant à travers l'histoire des représentations de l'intime. Il montre comment, à part des Lumières, le corps en est venu à coïncider avec le moi, auparavant circonscrit à la pensée et à l'esprit. Cette conscience inédite s'exprime dans la notion nouvelle de sentiment de l'existence. Une conscience interrogée tout au long du XIXe siècle à travers le rêve, la folie, les effets de drogues, et qui devient, à partir du XXe siècle – de la relaxation aux exercices de prise de conscience, de la détente à l'étourdissement –, lieu de vertige autant que d'exploration de l'intime.
 
« Anthropologie du corps et modernité »
David Lebreton, Ed. PUF, 2013
Nos sociétés font du corps une entreprise à gérer au mieux. Sa valeur intrinsèque tient au travail exercé à son propos. Il faut mériter sa forme et la plier à sa volonté. Dans un monde où règne la désorientation du sens, nombre d’acteurs trouvent prise sur leur existence à travers une discipline du corps. A défaut de contrôler sa vie, on contrôle au moins son corps. » Publié pour la première fois en 1990, cet ouvrage est devenu au fil de cette décennie « l’un des analyseurs majeurs des sociétés contemporaines, un fin révélateur du statut de l’individu ». L’homme occidental se découvre un corps, lieu privilégié du bien-être, du bien-paraître, signe de l’individu et de sa différence. Mais ce corps est aussi un lieu de précarité, de vieillissement qu’il faut combattre pour conjurer la perte et tenter de maîtriser l’insaisissable. Deviendrait-il une structure encombrante dont il faudrait se défaire ?
 
« Accepter son corps et s'aimer »
François Nef et Emmanuelle Hayward, Ed. Odile Jacob, 2008
Comment se sentir bien dans son corps ? Les complexes physiques peuvent nous gâcher la vie, nous faire perdre confiance et nous gêner dans nos relations avec les autres. Les régimes, le sport, la mode, la chirurgie esthétique peuvent parfois nous aider, mais souvent ne suffisent pas. François Nef et Emmanuelle Hayward nous expliquent comment accepter notre corps et cesser de lutter contre lui. Il ne s'agit pas de dissimuler nos défauts ni de nous résigner à nos complexes, mais simplement d'oser être nous-même. Ce livre nous donne aussi des conseils pour prévenir le risque d'insatisfaction physique chez nos enfants et les aider à s'épanouir. Pour enfin s'accepter et s'aimer physiquement. Pour être bien dans sa tête et dans son corps.
 
« L'Estime de soi : S'aimer pour mieux vivre avec les autres »
Christophe André et François Lelord, Ed. Odile Jacob, 2008
Il faut que nous soignions notre estime de nous-mêmes, notre «estime-de-soi»; sans la minimiser ni la surdimensionner. C'est le coeur du bonheur ! On voit et on entend cela dans beaucoup de magasines écrits, parlés ou télévisuels; et c'est normal car dans une société où on parle de «ressources humaines» au lieu de personnes, il faut se pencher sur soi et se voir non comme une machine ou une bête de somme qui DOIT FAIRE assez et assez vite, MAIS voir son ËTRE, lui redorer son blason à ses propres yeux spirituels et charnels, retrouver le goût de soi, le goût de vivre, le plaisir de se voir soi tel que l'on est; bref chouchouter son «estime-de-soi».
 
« La Tyrannie de la norme »
Todd Rose, Ed. Belfond, 2017
À l'école, à l'université, dans l'entreprise, l'important serait d'être dans la norme. Mais vous êtes-vous déjà posé la question : cette norme, à quoi correspond-elle ? Réponse : à rien !
Et pour cause. La norme est un mythe né au XIXe siècle d'une théorie de l' « homme moyen », considérée aujourd'hui comme absurde et dont les conséquences peuvent se révéler néfastes.  L'apprentissage scolaire use de méthodes standardisées qui ne sont pas adaptées à nombre d'enfants ; les traitements médicaux les plus populaires ne sont efficaces que sur une proportion minime de patients ; les entreprises multiplient les tests de recrutement fondés sur des critères généralistes. À trop chercher à nous conformer à un être standard fabriqué de toutes pièces, ne sommes-nous pas en train de nous perdre ? Qu'en est-il de notre singularité ?
 
« La Tyrannie des apparences »
Valérie Clo, Ed. Buchet Chastel, 2015
Pour ses dix-huit ans, Thalia reçoit de ses parents le plus beau des cadeaux : ses premières injections pour vieillir prématurément la peau. Elle sait qu’être jeune est la pire des conditions. Elle a beau teindre ses longs cheveux en gris, elle reste laide. Le monde a bien changé. La jeunesse est devenue maudite et chaotique. Désormais, la vraie vie commence à cinquante ans et le pouvoir est aux mains des anciens. Le père de Thalia, vieillard tout puissant, pense à l’avenir de sa fille et décide qu’il est grand temps de la marier à un homme d’âge mûr. En effet, rien n’est plus choquant et socialement déplacé que de s’unir entre jeunes... Thalia faillira-t-elle à l’ambition de son père ? Avec ce roman a contre-courant du jeunisme ambiant, Valérie Clo se moque d’une société esclave des apparences, en les inversant.

 

Jacques Trémintin - Journal de L’Animation  ■ n°187 ■ mars 2018