L’éducation sexuelle en institution

Réjean TREMBLAY, Editions Privat, 1992. 224 p.

Nombre d'institutions se targuent de répondre au plus près des besoins moteurs, intellectuels, sociaux, psychologiques, physiques et j'en passe, des jeunes qui leur sont confiés. Rien n'est trop beau pour favoriser l'épanouissement de l'enfant. On ne peut qu'applaudir à ces efforts et en être fiers. Mais qu'en est-il de la sexualité des mineurs ? Là, c'est souvent le silence... gêné ! D'aucuns renvoient à la responsabilité des parents. D'autres encore se font un devoir d'informer sur la contraception : le SIDA a rendu criminel tout silence en la matière. Pour R. Tremblay, il s'agit là d'une véritable "anomie" : même si la sexualité s'est depuis des années normalisée, les moyens de son expression restent du domaine, au pire, de l'hostilité et de la restriction, au mieux, de l'ambigüité. En fait, la constante c'est bien le précepte : "le meilleur moyen de s'épanouir sexuellement est sans  nul doute l'abstinence" ! Or, l'auteur explique clairement que l'institution a le devoir de s'occuper de la vie sexuelle et affective de ses pensionnaires, comme elle s'occupe de leur santé ou de leur apprentissage. A l'origine de ce vide, il y a la non-reconnaissance du plaisir sexuel comme une valeur, au même titre que les autres plaisirs de la vie (comme celui de manger ou d'écouter de la musique).

Parlons concrètement : la première approche de la sexualité par l’adolescent est sans nul doute la masturbation qui constitue un acte de découverte de soi et de transition à la relation à l'autre. Pour R. Tremblay, « l'acceptation de la masturbation n'est en fait le plus souvent qu'une tolérance d'un comportement inavouable et inévitable. Le passage à l'encouragement de la masturbation signifie reconnaissance du plaisir sexuel comme valeur humaine. » Comment devrait-on alors procéder dans les institutions ? L'auteur reprend à son compte 7 recommandations : outre l'intégration de la masturbation comme comportement normal, il rappelle le caractère privé et intime de la sexualité, l'information claire sur les risques de grossesses, l'interdiction légale des rapports coïtaux pour les mineurs au sein de l'institution, l'interdiction d'abus de la part des adultes, l'implication de la mixité et la tolérance aux comportements sexuels adultes privés (tel l'homosexualité).

Seule la claire acceptation par tout le personnel d'une telle charte permettrait d’aborder la sexualité des mineurs avec sérénité. Ce qu'on peut remarquer, c'est que malgré l'évolution des mœurs dont on nous rebat les oreilles, il y a un véritable dysfonctionnement en matière d'éducation sexuelle et contraceptive. Une enquête auprès d'ados sur le dialogue établi dans ce domaine avec leur père, indique 16,1 % de satisfaits, 6,1 % d'insatisfaits, 42,8 % affirmant n'avoir aucun dialogue. Concernant les mères, 38,5 % des jeunes se déclarent satisfaits de leurs échanges, 17,2 % insatisfaits et 44,3 % confirment l'absence de toute discussion sur ce thème !

On peut donc dire que ce qui se passe dans l'institution est à l'image du reste de la société. Ce qui n'est pas une consolation !

 

Jacques Trémintin – LIEN SOCIAL ■ n°285 ■ 05/01/1995