Justice ou Justesse ?

Carte blanche à la Plume noire - Malik 2

Précédemment dans Loi du Talion : où l’on apprend que Malik, adolescent de quatorze ans, se retrouve au commissariat après le dépôt d’une plainte de François Durand, éducateur spécialisé.  

(…)

  • Oui, mais en même temps, dis la -vérité. Tu t’étais bien moqué de moi ce soir-là. 
  • Oui, c’est vrai, tu as raison Malik.

François Durand, éducateur spécialisé, et Malik, discutent de l’évènement qui va les amener tous deux le lendemain au tribunal. Deux ans auparavant, suite à des coups portés au visage par l’adolescent, François Durand déposait plainte contre Malik. Depuis, de l’eau est passé sous les ponts. Leur relation est différente. Ils ne sont plus les mêmes. Ils ont fait la paix.

De plus, ce rendez-vous avec la justice arrive bien tard. Il ne semble plus faire sens. Sur le moment, la plainte déposée par l’éducateur avait permis à Malik de prendre conscience de son acte. De toutes façons, avec ou sans cette plainte, il n’était pas très fier d’avoir frappé un éducateur. Il ne s’en est jamais vanté. N’a jamais fait le beau avec ça devant qui que ce soit. La honte l’attrapait dès qu’il y repensait. Une honte accompagnée d’une certaine amertume du fait que cet éducateur, inconnu à l’époque – ils se voyaient pour la première fois - s’était quand même bien moqué de lui. De son côté, en son for intérieur, s’il se regardait réellement dans le miroir et tentait d’être le plus juste possible envers Malik et lui-même, François ne pouvait nier son comportement un rien provocant et volontairement « piquant » à l’encontre de l’adolescent. Dans le contexte, Malik, en manque de mots, n’avait eu comme seule issue, celle d’utiliser ses poings.

Alors, là, dans la cuisine, comme pour clore définitivement le chapitre entre eux, il apparaît important et pertinent pour François que Malik puisse entendre les mots dans lesquels il reconnait s’être moqué de lui. Plus qu’une évidence, c’est une obligation morale. C’est la première fois qu’ils reparlent en toute sincérité de ce qui est advenu, ce soir-là. Jérôme Cabriole, éducateur spécialisé, collègue de François, assiste à la discussion. Lui aussi est convoqué à la barre pour le lendemain. En qualité de témoin. Il est le témoin. Celui qui était présent le soir de l’altercation. Celui qui avait amené Malik au commissariat. Celui qui est là ce soir. Celui qui sera là demain. Jérôme s’efface. Il ne dit rien. Il écoute. Les mots prononcés sont ainsi entendus et consignés. Il est le garant de l’inter-dit.

François et Malik n’en mènent pas large. Ils sont inquiets. La réalité les rattrape. La société vient de leur rappeler l’obligation d’avoir à assumer ses actes – les coups pour l’un, la plainte pour l’autre – et à ce titre d’en répondre devant une cour de justice. La discussion terminée, il est temps pour François de rentrer chez lui.

  • A demain Malik, passe une bonne nuit.
  • Toi aussi François, à demain.

Au volant de sa voiture qui le ramène chez lui, François s’interroge. Il n’est plus tout à fait certain d’avoir eu raison de s’en remettre au système judiciaire dans cette affaire. D’autant plus, que depuis quelques temps, s’est ancrée en lui comme une intime conviction que l’éducation ne serait pas tant une histoire de justice que de justesse.

 

(à suivre)